L’institutionnalisation des savoirs à l’issue d’un travail
de groupe des élèves
Charline Lledo
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Charline Lledo. L’institutionnalisation des savoirs à l’issue d’un travail de groupe des élèves. Educa-
tion. 2018. �dumas-02538979�
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Master MEEF
« Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation »
Mention second degré
Parcours: [taper le nom du parcours]
L’INSTITUTIONNALISATION DES SAVOIRS A L’ISSUE
D’UN TRAVAIL DE GROUPE DES ELEVES
Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de master
Soutenu par
Charline LLEDO
le 15 mai 2018
En présence de la commission de soutenance composée de :
Arnaud Mongella, directeur de mémoire
Valérie Bodineau, membre de la commission
1
Sommaire du mémoire
Sommaire p. 3
Introduction p. 4
1. Etat de la recherche p.5
1.1. Qu’est-ce que l’institutionnalisation des savoirs ? p.5
1.1.1. Définition : transformer la connaissance en savoir p.5
1.1.2. Objectifs : Valider, décontextualiser et dépersonnaliser les connaissances p.7
1.1.3. Mise en œuvre : « Négociation du savoir » et « réconciliation » élèves-enseignants
(Brousseau) p.8
1.1.4. Enjeux : quels savoirs fixer lors de l’institutionnalisation ? p.9
1.2. Pourquoi le travail de groupe des élèves ? p.11
1.2.1. Adopter une démarche socio-constructive p.11
1.2.2. Déclencher des situations de conflit socio-cognitif p.12
1.2.3. Favoriser l’apprentissage coopératif et la citoyenneté p.14
2. Méthodologie de recherche p.18
2.1. Présentation des données p.18
2.1.1. Présentation des classes témoins p.18
2.1.2. Présentation des séquences expérimentales p.19
2.1.3. Présentation des données collectées et de leurs utilisations p.22
2.2. Présentation des outils d’analyse p.23
2.2.1. Les outils d’analyse de la première phase d’institutionnalisation p.24
2.2.2. Les outils d’analyse de la seconde phase d’institutionnalisation p.27
3. Analyse des résultats p.28
3.1. La première phase d’institutionnalisation : quelle projection des élèves lors de la mise
en activité de groupe ? p.28
3.1.1. La projection de l’institutionnalisation lors du travail de groupe des élèves p.28
3.1.2. Analyse comparée des stratégies de groupe pour construire leur production
Finale p.31
3.1.3. Comparatif restitution orale et trace écrite formalisée p.34
3.1.4. Confrontation des analyses des données p.36
3.2. La deuxième phase d’institutionnalisation : quelles interactions constructives entre le
groupe, la classe et le professeur ? p.38
3.2.1. Analyse des interactions et des feedback professeur-élève p.38
3.2.2. Analyse des entretiens réalisés avec un panel d’élèves issus des
classes témoin p.44
Conclusion p.53
Bibliographie p.55
2
Annexes p.57
• Introduction : présentation et problématisation du sujet
Ce mémoire a pour vocation selon moi à faire le pont entre mes pratiques de classe
et l’avancée de la recherche scientifique en didactique. Le choix du sujet a été guidé
par les obstacles et les questionnements qui ont émergé chez moi lors de mes
premiers mois de pratique enseignante.
Mes premiers mois d’expérience de professeure d’histoire-géographie au collège
Reverdy de Sablé-sur-Sarthe ont été pour moi un temps de prise de conscience
majeure : celui de devenir enseignante avant d’être une spécialiste d’une discipline,
l’histoire-géographie. Rapidement le questionnement notionnel ou épistémologique
est passé au second plan, devancé par un autre qui me semble encore aujourd’hui
prioritaire : Comment « transmettre » ? Le glissement du « quoi » vers le
« comment » m’a donc rapidement obligée à m’interroger sur les dispositifs de
classe. Comment faire en sorte que les élèves soient acteurs de la construction du
cours ? Comment faire pour qu’ils s’approprient les savoirs disciplinaires mais aussi
les savoirs-faire et savoirs-être en jeu à l’école ? Le nouveau système des
compétences au collège a accompagné cette réflexion car ce n’est plus seulement
la mémorisation du cours ou la maitrise des notions que l’on demande aux
enseignants d’évaluer mais bien la capacité des élèves à raisonner ou à coopérer
par exemple.
Le travail de groupe m’est rapidement apparu comme une réponse intéressante à
cet enjeu de mise en activité constructive pour les élèves. La mise en place de
dispositifs de travaux de groupe s’est accompagnée d’un questionnement majeur :
Comment gérer le passage de l’activité de groupe à l’activité de construction d’un
cours commun ? C’est autour de ce temps « d’institutionnalisation des savoirs »
faisant suite à des travaux de groupe que va tourner ma réflexion.
Cette recherche s’appuie sur un dispositif de travail de groupe que j’ai instauré lors
de mes séances de quatrièmes depuis le début de l’année. Les élèves bénéficient,
en groupe de quatre, d’un corpus documentaire accompagné d’une « mission ».
Cette mission prend la forme d’un écrit de synthèse portant sur le corpus
documentaire. Elle est ensuite restituée à l’oral par le groupe au reste de la classe.
Chaque groupe bénéficie d’un ensemble documentaire différent. L’ensemble des
3
restitutions des travaux de groupe forment ainsi l’armature du cours et de la trace
écrite finale institutionnalisée. L’enjeu de ce travail de recherche est d’étudier un
temps charnière : celui du travail en groupe à la construction d’un cours commun.
L’hypothèse à l’origine de cette recherche est que le temps d’institutionnalisation à
l’issu d’un travail de groupe peut se faire en deux temps et à deux échelles. Tout
d’abord, une première phase d’institutionnalisation se fait à l’échelle du groupe,
durant la préparation de la restitution orale. Les élèves acquièrent des
connaissances lors de leur travail sur corpus documentaire. Ces connaissances ont
été discutées et validées par l’ensemble des membres du groupe puis validées par
le passage de l’enseignant. Ainsi, au terme du travail de groupe ces connaissances
ont déjà été – dans une certaine mesure – validées, décontextualisées et
dépersonnalisées. Elles acquièrent une dimension collective et sociale1 et se
transforment donc en « savoir ». Le groupe se trouve dès lors détenteur d’un savoir
historique ou géographique et a pour charge de le transmettre à ses camarades.
Ensuite, un deuxième temps d’institutionnalisation se fait à l’échelle de la classe lors
du temps de restitution des travaux.
Le premier temps permet de construire et de fixer les principaux enjeux et notions
historiques et géographiques dégagés par le groupe ; le second permet de les
exposer, les questionner, de les compléter et les approfondir à travers un jeu
d’interactions entre trois « pôles » : le professeur, le groupe, le reste de la classe.
La construction de la trace écrite, élaborée en commun, constitue alors le
« substrat » des savoirs construits lors de ces deux temps. L’institutionnalisation à
l’issu du travail de groupe doit être conçue en deux étapes et à travers un jeu
d’interactions et de construction commune.
Ainsi, le questionnement est le suivant :
La phase d’institutionnalisation, telle qu’elle a été pensée dans la démarche décrite
ci-dessus, permet-elle réellement aux élèves d’entrer dans une démarche
d’apprentissage qui permet de construire des savoirs ?
1 cf état de la recherche
4
1. Etat de la recherche
1.1. Qu’est-ce que l’institutionnalisation des savoirs ?
1.1.1. Définition : Transformer la connaissance en savoir
Le concept d’institutionnalisation est issu de la recherche didactique en
mathématiques. Il lui est aujourd’hui encore fortement corrélé. Peu de travaux de
recherche en didactique ont été menés sur ce concept – mis à part en didactique
mathématiques. La majorité des travaux de recherche en didactique se centrent
aujourd’hui sur la phase de mise en activité des élèves (démarches socio-
constructives, différenciation, tâche complexe). La question du « transfert de
connaissances » (Barth) n’en est pas moins prégnante. Ainsi, « Comment faire pour
que les apprenants s’approprient un savoir complexe, abstrait, de telle sorte qu’ils
puissent s’en servir avec intelligence ? »2.
Le concept d’institutionnalisation invite à réfléchir à une étape charnière, celle du
passage du temps de la mise en activité des élèves au temps de cours commun
formalisé. La réflexion sur l’institutionnalisation est d’autant plus pertinente en
histoire et en géographie où l’étude de cas et le travail sur corpus documentaire
obligent à passer du particulier au général et donc à fixer des savoirs spécifiques.
Le concept d’institutionnalisation est développé à partir des années 80 par le
didacticien des mathématiques Guy Brousseau qui, dans son recueil de texte
Théorie des Situations Didactiques3, s’intéresse à l’apprentissage constructiviste
ainsi qu’au rôle du maître dans la classe. Selon lui, le maitre doit tenir le second rôle
dans la classe, le premier rôle étant tenu par « l’action » soit la situation didactique
qui permet à l’élève d’acquérir des connaissances. Brousseau explique ainsi dans
son ouvrage que la mise en activité des élèves – qui peut s’apparenter selon lui à
un véritable travail de mathématicien – doit être au cœur de la séance de classe.
C’est en expérimentant, confrontant, se trompant que l’élève s’approprie les
connaissances en jeu. Le concept, bien qu’encore aujourd’hui largement exploité
2
Britt-Mari Barth, Le savoir en construction, édition Retz, 2004
3 Brousseau Guy, "La théorie des situations didactiques”. Recueil de textes de Didactique des mathématiques
1970-1990 présentés par M. Cooper et N. Balacheff, Rosamund Sutherland et Virginia Waefield., La pensée
sauvage, Grenoble, 1998
5
par les didacticiens en mathématiques, s’est ouvert aux autres disciplines. Il est
donc opérable dans le cadre de la recherche en histoire-géographie.
La réflexion de Brousseau, d’abord axée sur la mise en activité des élèves, s’est
vite réorientée vers la phase de validation des connaissances proposées par l’élève.
Il a dans un premier temps émis l’hypothèse que l’élève serait capable de produire
un savoir mathématique seul lors de situation qu’il nomme a-didactique
(Brousseau). Le rôle du maitre serait alors nul. Or, il réfute rapidement son
hypothèse et explique ainsi « j’ai commis l’erreur de croire en la possibilité d’une
didactique « constructiviste », les faits ont montré la vanité de cet espoir et la
nécessité de phases d’institutionnalisation qui donnent à certaines connaissances
le statut culturel indispensable de savoir ». Ainsi, la construction d’un savoir ne peut
pas s’inscrire dans une situation adidactique qui consisterait à écarter l’enseignant
de la situation, en se tournant exclusivement vers l’élève. L’enjeu de la phase
d’institutionnalisation serait donc de transformer les connaissances proposées par
les élèves en savoirs validés par l’enseignant.
Quelles différences alors entre ces deux notions ? « Une connaissance est ce qui
réalise l’équilibre entre le sujet et le milieu, ce que le sujet met en jeu quand il investit
une situation »4 (Laparra & Margolinas, 2010). Un savoir, à l’inverse, est une
construction sociale et culturelle, qui vit dans une institution (Douglas, 2004). Ainsi,
une connaissance est privée et personnelle. Elle se construit dans un rapport
particulier que l’apprenant tisse avec la situation à laquelle il est confronté. Le savoir
est collectif et est pourvu d’un statut social qui fait qu’il est reconnu par tous. La
phase d’institutionnalisation est donc un temps qui fait le lien entre l’individuel et le
collectif, entre le personnel et l’institutionnel. C’est lors de cette étape charnière que
le rôle de l’enseignant est indispensable.
4 Claire Margolinas, « Connaissance et savoir. Concepts didactiques et perspectives sociologiques ? », Revue
française de pédagogie, 2014
6
Schéma 1 : de la situation de travail à l’institutionnalisation
SITUATION INSTITUTIONNALISATION
DISPOSITIF DISPOSITIF
Mise en activité des élèves Interactions
élèves/enseignants
OBJECTIF
Construction d’une OBJECTIF
connaissance Fixation de savoirs formalisés
et dépersonnalisés
1.1.2. Objectifs : Valider, décontextualiser et dépersonnaliser les
connaissances
La phase d’institutionnalisation vise donc un triple objectif, celui de valider,
décontextualiser et dépersonnaliser les connaissances produites par les élèves lors
d’une mise en activité. Selon Brousseau, la phase d’institutionnalisation a deux
dimensions : une dimension publique (le savoir proposé par l’enseignant doit être
reconnu par tous et acquérir un « statut social ») et une dimension privée (le savoir
proposé par l’enseignant doit être reconnu par l’élève qui en fait acte dans son
processus d’apprentissage). Ce temps d’institutionnalisation est co-construit par
l’enseignant et les élèves dans un processus de reconnaissance mutuelle.
Brousseau précise ainsi, « la prise en compte officielle par l’élève de l’objet de la
connaissance et par le maître, de l’apprentissage de l’élève est un phénomène
social très important et une phase essentielle du processus didactique : cette double
reconnaissance est l’objet de l’institutionnalisation »5. L’institutionnalisation n’est
donc pas un espace « frontière » qui clôturerait le temps de travail des élèves et
ouvrirait celui de l’enseignant. Au contraire, il serait un temps « couture » où se
tisserait des interactions entre les élèves et l’enseignant dans le but d’aboutir à un
savoir formalisé et dépersonnalisé, reconnu par tous et pouvant être réinvesti dans
d’autres situations. En effet, selon Margolinas « si les connaissances ne restent que
5Citation extraite de Etude du processus d’Institutionnalisation dans les pratiques de fin d’école primaire : le
cas de l’enseignement des fractions, Thèse doctorale de Céline Allard, 2016, HAL
7
des modèles implicites d’action, elles ne pourront pas faire fonction de référence,
elles restent fragiles et fugitives ». L’enseignant doit donc mettre en place des
stratégies pour faire passer les élèves de la connaissance au savoir et ainsi les
rendre autonomes lors de nouvelles situations didactiques lors desquelles ils
pourront réinvestir ces savoirs institutionnalisés.
1.1.3. Mise en œuvre : « Négociation du savoir » et « réconciliation » élèves-
enseignants (Brousseau)
L’institutionnalisation n’est donc pas une phase d’apport de savoirs purement
transmissifs et portés ex-nihilo, mais bien une phase de « négociation du savoir »
(Brousseau) entre les élèves et l’enseignant. Cette phase de négociation prendrait
ainsi la forme d’interactions. Ces interactions doivent permettent de répondre à deux
paradoxes majeurs de la mise en activité des élèves6 :
Paradoxe 1 : Comment l’élève peut-il prendre conscience qu’il a acquis de nouvelles
connaissances s’il résout la situation proposée par l’enseignant ? Il peut ainsi
penser que sa réussite repose sur des connaissances antérieures.
Paradoxe 2 : L’élève doit accepter de résoudre la situation en accédant par ses
propres moyens à la connaissance alors qu’il sait que l’enseignant détient la
solution. L’enseignant doit quant à lui ne rien dévoiler. Un contrat tacite est donc
établi entre les deux parties.
Le premier paradoxe est levé lors de la phase d’institutionnalisation puisque la
connaissance en jeu est explicite. L’élève prend donc clairement conscience de son
apprentissage. Le second paradoxe est également levé puisque la phase
d’institutionnalisation permet la « réconciliation » (Brousseau) des élèves et de
l’enseignant lors d’un temps d’interaction : « ces derniers disent ce qu’ils pensent
avoir appris, le maître reformule si besoin et donne une place à l’expression et à la
reconnaissance des connaissances de ses élèves. »
6Dans la Théorie des situations didactiques Brousseau distingue quatre paradoxes propres à la mise en activité.
Les deux autres paraissant moins centraux dans le cadre de réflexion établi dans ce mémoire, ils ont donc
volontairement été écartés.
8
La phase d’institutionnalisation est donc la phase lors de laquelle l’enseignant et les
élèves formalisent les connaissances mobilisées lors de la mise en activité, les
transformant ainsi en « savoirs savants » formalisés, reconnus et partagés par tous.
Ce temps est celui de la négociation et de la reconnaissance mutuelle entre
l’enseignant et les élèves. L’institutionnalisation possède ainsi une double
dimension. D’une part, une dimension sociale – celle de la négociation des
différents acteurs de la classe visant à aboutir à un savoir « général » de référence
– d’autre part, une dimension cognitive – celle de permettre des gestes de tissage
entre l’idiographique et le nomothétique et entre différentes situations mobilisant les
mêmes savoirs.
1.1.4. Enjeux : quels savoirs fixer lors de l’institutionnalisation ?
Après cette réflexion sur « la forme » de la phase d’institutionnalisation, une
réflexion sur le fond s’impose. Ainsi, quels savoirs doivent-être fixer lors de
l’institutionnalisation ? Dans le flot de connaissances empiriques acquises par les
élèves, quelles sont celles qui doivent être décontextualisées et formalisées ?
Selon Britt-Mari Barth « l’enseignant devrait être autant un spécialiste de la
transmission du savoir que du savoir lui-même ». Or, on reproche souvent
aujourd’hui à l’école de transmettre des savoirs sans que cela ne fasse sens chez
les élèves.
La recherche en didactique et plus largement les réflexions philosophiques et
politiques tournant autour de l’éducation s’interrogent régulièrement sur les
contenus d’enseignements et les savoirs en jeu à l’école en France. Le philosophe
en sciences de l’éducation Michel Fabre pose ainsi la question : « Des savoirs
scolaires sans problèmes et sans enjeux. La faute à qui ? »7. Selon lui, l’école serait
touchée par un phénomène de « refoulement problématologique » et de
« chosification du savoir ». Les savoirs proposés aux élèves – lors des phases
d’institutionnalisation notamment – ne feraient pas sens. Ils ne seraient ni
problématisés ni porteurs d’enjeux (c’est-à-dire non réinvestissables par l’élève
dans d’autres situations). Pour Jean-Pierre Astolfi, les savoirs scolaires ne sont ni
véritablement théoriques ni véritablement pratiques, ce sont des pseudo-savoirs. Ils
7 Michel Fabre (2007). « Des savoirs scolaires sans problèmes et sans enjeux. La faute à qui? », Revue
française de pédagogie, 2007
9
sont présentés sous forme de propositions plus ou moins indépendantes ou plus ou
moins connectées à d’autres propositions, mais sans jamais se référer à des
problèmes. La thèse défendue par Astolfi et Fabre suppose donc que de la phase
d’institutionnalisation manquerait de sens et ne serait pas assez porteuse d’enjeux.
Elle invite à se poser la question suivante : Comment faire en sorte que les savoirs
formalisés soient porteurs de sens chez élèves et puissent être, à ce titre,
réinvestissables dans diverses situations ?
La réponse semble être la suivante : l’enjeu de l’institutionnalisation est d’apporter
une réponse à un « problème » préalablement posé aux élèves lors de la mise en
activité. Si sa forme peut varier, l’institutionnalisation doit répondre à cette double
exigence : répondre à une question et porter des enjeux (notions, concepts,
théories, théorèmes) que l’élève serait en mesure de réinvestir.
L’institutionnalisation c’est ainsi construire du théorique à partir de l’empirique.
L’institutionnalisation a donc un double rôle « tantôt de revitaliser le savoir en
réeffectuant le questionnement qui lui a donné naissance, tantôt au contraire de
refouler temporairement ce questionnement originel pour que, ce qui était réponse
devienne alors la base d’un nouveau problème ». Elle permet un va et vient constant
du théorique à l’empirique et donne ainsi du sens aux savoirs formalisés.
Schéma 2 : chaine de mobilisation d’une connaissance par l’élève
EMPIRIQUE THEORIQUE EMPIRIQUE
Questionnement de Institutionnalisation Réinvestissement
l’élève autour d’une des connaissances des savoirs
situation inédite mises en jeu dans la formalisés dans
situation inédite une nouvelle
situation inédite
Le savoir formalisé et fixé lors de la phase d’institutionnalisation se doit d’être
théorique. Or, Michel Fabre pose ici une limite : n’y aurait-il pas un risque de
dogmatisation du savoir ? Pour lutter contre ce dogmatisme, il faut inscrire le savoir
formalisé dans une triple dimension : « a) sa dimension génétique, son histoire »,
autrement dit faire référence à la connaissance empirique qui a permis son
10
élaboration ; «b) son incorporation théorique dans un système rationnel » autrement
dit faire exister ce savoir de manière purement théorique en faisant le lien avec
d’autres savoirs théoriques mobilisés ; « c) sa fécondité dans de nouveaux
problèmes » autrement dit remobiliser ce savoir dans d’autres situations
empiriques. Institutionnaliser c’est donc théoriser mais également veiller à faire un
lien constant entre théorie et situations empiriques et donc à questionner les savoirs
quant à leur élaboration (comment nait ce savoir ?) et à leur remobilisation
(comment réinvestir ce savoir de façon pertinente ?). L’exigence première est donc
que ce savoir formalisé ait déjà été identifié par l’enseignant comme l’enjeu de
l’enseignement afin que les élèves puissent s’en saisir.
Il serait néanmoins réducteur de penser que les savoirs transmis lors de
l’institutionnalisation sont seulement des savoirs disciplinaires et théoriques. Savoir-
être et savoir-faire peuvent ainsi être formalisés lors du temps d’institutionnalisation.
Comme le précise Britt-Mari Barth « ce qu’il importe de discerner n’est souvent pas
visible, mais de l’ordre de la relation. L’aide à l’interprétation et à la méthodologie
d’analyse devient donc essentiel. ». Lors de la phase d’institutionnalisation,
l’enseignant doit ainsi réfléchir aux « concepts organisateurs » (Barth) qui vont
structurer la formalisation des savoirs, autrement dit aux processus et aux
questionnements qui vont permettre de faire émerger le savoir.
1.2. Pourquoi le travail de groupe des élèves ?
1.2.1 Adopter une démarche socio-constructiviste
La phase d’institutionnalisation est dépendante de la phase de la mise en activité
des élèves à laquelle elle fait suite. S’interroger sur les dispositifs de
l’institutionnalisation oblige à penser également la phase précédente. Quel dispositif
didactique faut-il mettre en place pour favoriser la confrontation de l’élève à de
nouvelles connaissances ? Comment préparer au mieux, lors de la mise en activité,
la réception du futur savoir formalisé ? Comment produire des situations didactiques
problématisées et porteuses d’enjeux ? Le travail de groupe semble être une des
réponses possibles. La coopération et les conflits sociocognitifs qui peuvent
découler de ce dispositif présentent des avantages.
11
Favoriser le travail de groupe des élèves c’est adopter une « démarche socio-
constructive ». Le socio-constructivisme est un concept didactique qui, pourtant loin
d’être nouveau, est aujourd’hui central dans la recherche en pédagogie.
Néanmoins, on peut observer un décalage important entre l’abondance de la
réflexion théorique sur ce sujet et la réalité des pratiques enseignantes (Rey,
Staszewski). « A ce jour, les modes transmissifs d’enseignement dominent dans les
cours d’histoire du secondaire »8. La démarche socio-constructiviste consiste à
penser que les élèves n’empilent pas les savoirs qu’ils reçoivent mais n’apprennent
vraiment que les savoirs qu’ils construisent. Les précurseurs de la conception
constructiviste sont le philosophe Gaston Bachelard et le psychologue Jean Piaget.
Bachelard écrivait ainsi en 1972 dans La formation de l’esprit scientifique, « c’est
en terme d’obstacle qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique ».
C’est le psychologue russe Vygotsky qui peut être considéré comme le père du
socio-constructivisme. A l’idée que le sujet construit la connaissance par son
expérience, il ajoute l’importance de l’interaction avec les pairs et de l’éducation
dans ce processus de construction des savoirs. La démarche socio-constructiviste
invite à concevoir l’apprenant non seulement comme un élève prêt à recevoir des
savoirs nouveaux mais surtout comme un individu déjà doté de présupposés, de
questionnements, d’avis sur les situations didactiques proposés. Ainsi, le processus
d’apprentissage ne doit pas se faire ex-nihilo mais s’appuyer sur ces connaissances
antérieures pour les infirmer, les modifier ou parfois les confirmer et les développer.
1.2.2. Déclencher des situations de conflit socio-cognitif
Philippe Meirieu insiste sur la différence entre tâche et objectif dans l’enseignement.
« L'objectif est ce que l'enseignant veut faire acquérir à chaque élève dans le cadre
d'une situation d'apprentissage qu'il met en place »9. Il concerne donc « le fond » là
où la tâche est « forme » (devoir, récitation, manipulation, performance motrice).
« Ces tâches sont, à l'école, indispensables, puisque nous ne disposons que d'elles
pour évaluer les objectifs que nous visons ». Le travail de groupe peut concourir à
la réalisation de tâches diverses mais ses objectifs sont au nombre de cinq selon
8
Bernard Rey et Michel Staszewski, Enseigner l’histoire aux adolescents. Démarches socio-constructivistes,
De Boeck, 2002
9
Philippe Meirieu, « Pourquoi le travail en groupe des élèves ? », 2007
12
Meirieu : finalisation (travail sur le processus d’émergence du savoir), socialisation
(travail sur les compétences psycho-sociales), le monitorat (travail sur des
dispositifs d’entraide), confrontation (travail sur l’interaction et la négociation) et
l’apprentissage (travail sur les objectifs cognitifs et théoriques). On s’attardera ici
particulièrement sur l’objectif de confrontation. Pour Meirieu « il s'agit ici d'utiliser
l'interaction entre pairs afin de déstabiliser des représentations ou des préjugés. ».
Autrement dit de favoriser un conflit socio-cognitif chez les élèves.
Le conflit socio cognitif est un concept développé dans le champ de la psychologie
sociale au début des années 80. Il met en évidence l’influence positive des
interactions sociales sur l’apprentissage. Le terme fait son apparition dans le
domaine de la pédagogie et des sciences éducatives sous l’impulsion de
chercheurs suisses qui se sont appuyés sur les travaux de Piaget. La confrontation
des différents points de vue entre pairs donne une nouvelle dimension à la
connaissance. Cette dernière n’apparait pas comme allant de soi mais est négociée,
justifiée et confrontée entre les différents membres du groupe. Le conflit socio-
cognitif déclenché chez l’apprenant l’oblige à avoir un retour sur le processus
d’appropriation de la connaissance et la rend donc plus solide et plus riche.
« Si l’on cherche à comment mettre en œuvre le phénomène de conflit socio-
cognitif, on pense immédiatement au travail de sous-groupe de pairs » (Rey,
Staszewski). Le travail de groupe met les apprenants au cœur de la construction
des connaissances. Par la mise en place de réseaux d’entraide et d’interaction, les
élèves gagnent en autonomie vis-à-vis de l’enseignant. Ce dernier n’a plus pour
objectif « d’importer » des savoirs qu’il détient mais au contraire de laisser les
élèves les découvrir au gré de leurs interactions. Ce dispositif met l’élève dans une
position d’insécurité – c’est sa propre activité qui donne le rythme et non celle de
l’enseignent – qui loin d’être néfaste, lui permet d’être pleinement acteur et engagé
dans la tâche de manière autonome.
La situation-problème est un des dispositifs qu’il est possible de mener pour
favoriser le conflit socio-cognitif chez l’élève. D’abord appliqué aux mathématiques,
ce dispositif est aujourd’hui transposable dans n’importe quelle discipline. La
situation-problème recouvre toutes « situations susceptibles de remettre en cause
les conceptions préalables des élèves et de les amener à modifier leur organisation
13
mentale » (Rey, Staszewski). Elle se présente principalement sous la forme d’une
tâche qui doit répondre aux caractéristiques suivantes (Arsac, Germain, Mante 10) :
elle doit prendre la forme de la résolution d’un problème, la forme de la réponse doit
être explicitée, les élèves doivent être capables de percevoir eux-mêmes si la
solution trouvée est convenable et la connaissance que l’on souhaite faire acquérir
doit être explicite. En histoire-géographie, contrairement aux mathématiques, il est
impossible de construire une situation-problème au sens strict, telle qu’elle vient
d’être présentée. Il est néanmoins possible de proposer des situations dont l’objectif
reste inchangé : faire prendre conscience aux élèves de l’insuffisance de leurs
connaissances actuelles et de la nécessité de s’en forger des nouvelles. Pour
Philippe Meirieu, l’essentiel est de « créer l’énigme »11 chez élève. De donner, par
une mise en intrigue, l’envie aux élèves d’aller au bout de la tâche et de sa
résolution. Proposer les situations-problèmes en dispositif de travail de groupe c’est
favoriser les interactions entre les élèves autour d’un problème commun à résoudre.
Selon Odette Bassi, les situations-problèmes permettent ainsi à l’enseignant
d’ « exprimer l’idée d’une formation durable c’est-à-dire - débordant les effets d’un
enseignement trop souvent voué au court terme des examens et diplômes – à
rendre réellement opératoires, disponibles et réinvestissables des capacités à
penser, élaborer, à créer et organiser, à anticiper et réaliser »12
Cette phase d’intense questionnement et de discussion entre les apprenants rendra
la phase d’institutionnalisation plus riche, si la parole est laissée aux élèves sur ce
temps. Elle permet aussi de favoriser l’entraide et donc un certain apprentissage de
la citoyenneté.
1.2.3. Favoriser l’apprentissage coopératif et de la citoyenneté
Le travail de groupe, en favorisant les interactions et la coopération, semble être un
lieu de formation à la citoyenneté. Dans son article « La coopération entre élèves :
des recherches aux pratiques », Catherine Reverdy, chargée de mission Veille et
Analyses à l'Institut français de l'Education, rappelle ce qu’est la coopération :
10
Arsac, Germain, Mante, Problème ouvert et situation problème, IREM de Lyon, Villeurbanne, 1988
11
Philippe Meirieu, Apprendre… Oui mais comment ?, pédagogies, ESF, Paris, 1987
Préface d’Odette Bassi dans Alain Dalongeville et Michel Huber, (Se) former par les situations-problèmes.
12
Des déstabilisations constructives, Lyon Chronique Sociale, 2001.
14
« c’est la façon dont les membres d’un groupe donné, confrontés à un
apprentissage particulier, rassemblent leurs forces, leurs savoir-faire et leurs
savoirs pour atteindre leurs fins ». L’apprentissage coopératif recouvrirait alors
toutes situations lors desquelles les élèves mèneraient en groupe une tâche scolaire
en vue d’un objectif commun. L’apprentissage coopératif est mis en place dès le
début du XXème siècle de façon éparse mais est véritablement théorisé à partir des
années 1970 aux Etats-Unis sous le concept de cooperative learning. En Europe
les recherches sur ce sujet se développent principalement dès les années 1980-
1990 et prennent vie à travers la pédagogie institutionnelle de Fernand Oury et la
coopération Freinet. Quels bénéfices l’apprentissage coopératif et le travail de
groupe peuvent-ils avoir sur les comportements psycho-sociaux des élèves ?
Tout d’abord, le travail de groupe - en favorisant la coopération entre les élèves –
modifie les interactions classiques de la classe. Les interactions se font
principalement d’élève à élève et non plus d’élève à professeur. L’enseignant voit
son statut se modifier, il devient une « personne ressource » proposant un étayage
au cas par cas. Selon Catherine Reverdy, dans un enseignement visant
l’apprentissage coopératif, « l’enseignant influence davantage l’étayage des élèves
et leur fait moins de remarques de discipline, ce qui améliore la qualité des
interactions entre élèves, ainsi que l’entraide ». L’autonomie des élèves agit comme
un auto-régulateur qui permet de créer un climat de classe plus apaisé. La
configuration de la classe induite par le travail de groupe, rompant avec la
traditionnelle disposition frontale (espace élèves/espace enseignant), permet de
briser l’impression de confrontation. Elle remodèle la manière dont l’enseignant et
les élèves s’approprient l’espace classe.
Outre l’autonomie, le travail de groupe et la coopération entre élèves permettent de
déclencher une motivation plus importante chez l’élève et donc un enrôlement dans
la tâche simplifié. En s’investissant dans le travail de groupe l’élève joue autre chose
que sa propre acquisition de connaissances. Il joue son rapport aux autres. L’esprit
de compétition se brise au profit de la coopération. Pour se faire l’enseignant doit,
15
en amont, créer un climat motivationnel (Reverdy) propice à la coopération et à
l’entraide.
Enfin, il semble que la cohésion du groupe soit un facteur d’efficacité majeur dans
l’apprentissage de nouvelles connaissances. Le psychologue Edmond Marc 13
explique que l’attrait pour un but commun, le goût de l’action collective, le désir
d’appartenance et les relations affinitaires entre les participants ont un impact sur
l’efficacité. Un groupe cohésif permet de développer chez l’élève un sentiment de
sécurité, une participation accrue ainsi qu’une meilleure estime de soi. Les
recherches en psychologie ont ainsi montré que le travail de groupe est facteur de
changements cognitifs puisqu’il favorise l’apprentissage. Cet apprentissage est
protéiforme. En effet, le dispositif de groupe permet d’une part l’apprentissage de
savoir-être (socialisation, acquisition de compétences sociales) et d’autre part
l’apprentissage de savoirs cognitifs et théoriques, construits au fur et à mesure des
interactions entre pairs. Le psychologue Jacques Lecomte14 distingue cinq
caractéristiques au travail collaboratif : l’interdépendance positive (les efforts de
chaque membre sont nécessaires pour le succès du groupe), l’interaction
facilitatrice (les membres s’encouragent et s’entraident réciproquement), la
responsabilité individuelle (aucun membre ne peut travailler seul ou refuser de
travailler) et le traitement cognitif par le groupe (les membres doivent régulièrement
réfléchir ensemble sur la façon de fonctionner).
En favorisant l’entraide et la coopération, le travail de groupe modifie les structures
sociales traditionnelles de la classe et engage les apprenants sur la voie de
l’apprentissage de la citoyenneté. Le schéma suivant permet de résumer
simplement les avantages du travail coopératif. Il témoigne des multiples
dimensions que ce dernier revêt en termes d’apprentissage de savoir disciplinaire,
de savoir-être et de savoir-faire.
13
Edmond Marc, « se former en groupe » dans Martine Fournier (dir), Eduquer et former, connaissances et
débats en éducation et formation, sciences humaines édition, 2011
14 Jacques Lecomte, « les conceptions humanistes de l’éducation » dans Martine Fournier (dir), Eduquer et
former, connaissances et débats en éducation et formation, sciences humaines édition, 2011
16
Schéma 3 : Les avantages multiples de l’apprentissage coopératif
Les avantages de
l’apprentissage coopératif
Sur le plan cognitif et Sur le plan relationnel et
Sur le plan personnel :
scolaire : social :
Augmentation de
Amélioration des Augmentation sensible de
l’estime de soi. Les
motivations à apprendre. l’appréciation réciproque,
élèves se perçoivent
Construction des baisse du racisme et du
comme plus compétents.
connaissances et meilleure sexisme, des incivilités et du
estime de l’enseignant harcèlement
(perçu comme aidant et (comportements plus
compréhensif) altruistes)
17
2 Méthodologie de recherche
2.1. Présentation des données
Cette recherche sur l’institutionnalisation des savoirs à l’issu d’un travail de groupe
en histoire-géographie s’appuie sur des pratiques de classe. Au cours de l’année
scolaire 2017-2018, deux classes de quatrième du collège Pierre Reverdy de Sablé
sur Sarthe ont pratiqué des travaux de groupe suivis de restitutions orales de
manière récurrente. Ainsi, deux tiers du programme d’histoire-géographie (hors
EMC), a été traité en séquence de travail de groupe.
On présentera dans un premiers temps le profil des classes témoins, les séquences
d’histoire-géographie qui ont servi de supports à l’analyse, les données collectées
dans le cadre de la recherche ainsi que les outils d’analyse mis en place pour traiter
ces données. Un deuxième temps sera consacré à l’analyse des données et à la
présentation des résultats.
2.1.1. Présentation des classes témoins
Les deux classes permettent de présenter un panel d’élèves aux profils variés.
L’analyse porte donc sur les deux classes et permet, dans une certaine mesure, de
proposer un comparatif.
La première classe témoin, la classe de 4A, est une classe de niveau globalement
homogène. L’atmosphère de classe est propice au partage et à l’échange. Les
élèves se montrent volontaires à l’idée de travailler en groupe. Les restitutions
orales se déroulent dans une atmosphère d’écoute. Les interactions suivant les
restitutions sont souvent riches et constructives.
La seconde classe témoin, la classe de 4C, est une classe au niveau très
hétérogène. Elle regroupe des élèves à option musique, dont les savoir-faire et les
savoir-être scolaires sont parfaitement maitrisés, et des élèves en plus grande
difficulté, voire en situation de décrochage scolaire (six élèves sur vingt-sept sont
considérés en situation de décrochage par l’équipe pédagogique). L’atmosphère de
classe est moins propice à l’échange et au partage. La classe semble scindée en
deux et le dialogue passe difficilement entre ces deux « blocs » parfois réticent à
coopérer. Lors des travaux de groupe des élèves se montrent défiants à l’idée de
18
travailler avec certains de leurs camarades. Les restitutions orales sont moins
l’occasion d’interactions abondantes que dans la première classe.
2.1.2. Présentation des séquences expérimentales
Entre septembre 2017 et mars 2018, les deux classes de quatrième ont eu
l’occasion de travailler à cinq reprises en dispositif de travail de groupe sur
l’ensemble de la séquence : deux fois en Géographie lors des chapitres « espaces
et paysages de l’urbanisation » et « mers et océans : un monde maritimisé » et trois
fois en Histoire lors des chapitres « Bourgeoisies marchandes, négoces
internationaux et traite négrière au XVIIIème », « L’Europe des Lumières » et
« L’Europe et la Révolution Industrielle ». Le dispositif, bien qu’ayant évolué sur
certains points au cours de l’année, est resté le même dans sa structure. Les élèves
se sont appropriés le dispositif au fur et à mesure de l’année.
Après une introduction du chapitre en collectif, les élèves travaillent en groupe
durant deux séances ou deux séances et demi dans une salle disposée en îlots.
Chaque groupe travaille sur un corpus documentaire différent. Un corpus
correspond à une sous-partie de l’armature du cours. Les groupes ont été constitué
par la professeure en amont en fonction de trois variables : mixité de niveau
scolaire, mixité filles-garçons, affinités particulières entre élèves. Les corpus ont été
répartis, selon le niveau de difficulté, aux différents groupes15. Lors de la mise en
activité de groupe, les élèves doivent répondre à une « mission » portant sur l’étude
du corpus documentaire. La réponse à cette mission doit être structurée, rédigée
puis restituée à l’oral au reste de la classe. Les élèves doivent également choisir un
ou deux documents de leurs corpus afin de les projeter au tableau et de les
présenter lors de leur restitution. Les restitutions orales de travaux de groupe se
font sur les trois séances suivantes, à raison de deux ou trois passages de groupes
à l’oral par séance. Les restitutions orales prennent une forme libre – contrôlée
néanmoins par l’enseignant en amont. Chaque membre du groupe doit prendre la
parole. Un temps d’interaction avec la classe suit la présentation orale du groupe.
Lors de ce temps un élève reformulateur, désigné en amont, doit résumer ce que le
groupe a présenté. Les élèves ont alors la possibilité de poser des questions au
15 Voir « différencier la structuration du travail en classe » dans Feyfant Annie (2016) La
différenciation pédagogique en classe. Dossier de veille de l’IFÉ, n°113, novembre. Lyon: ENS de Lyon.
19
groupe. La professeure pose ensuite des questions au groupe puis complète ou
corrige leur propos si besoin. Le groupe classe a une nouvelle fois la possibilité de
formuler des questions, à la professeure ou au groupe en charge de la restitution.
L’enseignante pose alors des questions au groupe classe pour s’assurer de la
compréhension du sujet. Un troisième temps est consacré à la construction
collective de la trace écrite. Le schéma ci-dessous résume les différentes étapes de
procédure mise en place.
Schéma 1 : Les étapes du travail de groupe à l’échelle de la séquence
Séance 1 Séances 2/3 Séances 3/4/5
Disposition : Disposition : Disposition :
ilots ilots classique
1.Introduction du 1.Finalisation des 1.Amorce par la professeure
chapitre en collectif et réponses au (contextualisation)
répartition des corpus questionnaire
2.Choix de l’élève
documentaires
2.Choix de la forme de la reformulateur
2.Lecture du corpus restitution
3.Restitution orale du groupe
3.Réponse au 3..Point avec la
4.Reformulation par l’élève
questionnaire sur le professeure pour valider
reformulateur
corpus le questionnaire et la
5.Phase de questions par le
forme de la restitution
groupe classe
4.Rédaction de la mission
6Phase de questions par la
5.Répartition de la prise
professeure (au groupe et à
de parole lors de la
la classe)
restitution
7.Apports en magistral par la
professeure si besoin
8.Construction de la trace
écrite en collectif
La mise en activité des élèves lors du travail du groupe ainsi que la forme de la trace
écrite ont varié au cours des chapitres. Le tableau suivant permet de présenter les
particularités de chacune des séquences. Les séquences sont présentées dans
l’ordre chronologique dans lequel elles ont été traitées.
20
Tableau 1 : Mise en activité et trace écrite à l’échelle des séquences
Mise en activité de groupe Forme de la trace écrite
Espaces et ■ Questions sur le corpus (à rédiger)
paysages de ■ Réponse à la mission (à rédiger) Trois schéma successifs
l’urbanisation ■ Liste de mots-clés à faire (dont un géographique)
apparaitre dans la réponse à la
mission
Bourgeoisies ■ Questions sur le corpus (à rédiger)
marchandes, ■ Réponse à la mission (à rédiger)
négoces ■ Liste de mots-clés à faire Schéma général
internationaux apparaitre dans la réponse à la
et traite mission
négrière au
XVIIIème
L’Europe des ■ Questions sur le corpus (à rédiger)
Lumières ■ Réponse à la mission (à rédiger)
■ Liste de mots-clés à faire Trace écrite rédigée
apparaitre dans la réponse à la
mission
Mers et ■ Réponse à la mission (à rédiger)
océans : un ■ Possibilité d’obtenir une fiche Trace écrite sous forme
monde question si besoin de « prise de note »
maritimisé
L’Europe et la
Révolution ■ Questions sur le corpus (à l’oral) Trois schémas successifs
Industrielle ■ Réponse à la mission (à rédiger) (un schéma pour chacune
des grandes parties du
cours)
21
2.1.3. Présentation des données collectées et de leurs utilisations
Les cinq séquences présentées ont servi de support d’analyse dans le cadre de
cette recherche. Les données récoltées ayant servies de base à l’analyse sont au
nombre de trois.
Les premières données collectées sont des textes de restitutions d’élèves,
autrement dit les réponses aux missions posées lors du travail de groupe.
L’échantillon d’analyse est constitué de six cahiers d’élèves aux niveaux scolaires
hétérogènes. Sept textes, extraits de séquences diverses, seront analysés en détail.
Ces données sont analysées dans le but d’observer comment les groupes
préparent leur passage à l’oral et anticipent la transmission de savoirs à leurs
camarades. L’hypothèse est la suivante : les élèves ont acquis des connaissances
lors de leur travail sur corpus documentaire. Ces connaissances ont été discutées
et validées par l’ensemble des membres du groupe puis validées par le passage de
l’enseignant. Ainsi, ces connaissances ont déjà été – dans une certaine mesure –
validées, décontextualisées et dépersonnalisées. Elles acquièrent une dimension
collective et sociale16 et se transforme donc en « savoir ». Le groupe se trouve dès
lors détenteur d’un savoir historique ou géographique et a pour charge de le
transmettre à ses camarades. La phase d’institutionnalisation des savoirs débute
donc dès la deuxième séance de travail, à l’échelle du groupe. Il convient donc
d’analyser comment cette charge est appropriée pour le groupe lors de la rédaction
de leur mission. Ces textes seront également comparés aux traces écrites afin
d’observer comment les savoirs construits par les élèves sont mobilisés lors de la
dernière étape de l’institutionnalisation.
Les deuxièmes données collectées sont des retranscriptions d’interactions entre les
groupes passant à l’oral, le reste du groupe classe et l’enseignante. Quatre séances
de restitutions orales ont été enregistrés. Deux séances sur la séquences « mers et
océans : un monde maritimisé » (une séance dans chacune des classes) et deux
16 Brousseau Guy, "La théorie des situations didactiques”. Recueil de textes de Didactique
des mathématiques 1970-1990 présentés par M. Cooper et N. Balacheff, Rosamund Sutherland et
Virginia Waefield., La pensée sauvage, Grenoble, 1998
22
séances sur la séquences « L’Europe et la Révolution industrielle » (une séance
dans chacune des classes). Ces données permettent d’observer comment la classe
se saisit des savoirs proposés par le groupe en les interrogant, en les reformulant
et en les transformant en trace écrite. L’objectif est d’étudier si ces interactions
suffisent à ancrer et à donner du sens aux savoirs historiques et géographiques.
Les élèves qui n’ont pas travaillé durant deux séances sur certains points du cours
maitrisent-ils quand même les notions fondamentales présentées par leurs
camarades ?
Les troisièmes données collectées sont des retranscriptions d’entretiens avec des
élèves de quatrième. Lors de ces entretiens six élèves de la classe de 4ème A et cinq
élèves de la classe de 4ème C ont répondu à un questionnaire portant sur le travail
de groupe et les restitutions orales de travaux. Cinq autres élèves ont répondu au
questionnaire à l’écrit. Les réponses à ces questions sont analysées donc le but
d’observer comment les élèves perçoivent les temps de travail de groupe et de
restitutions. Arrivent-ils à faire des liens entre leur travail et celui de leurs
camarades ? Comprennent-ils les restitutions de leurs camarades ? Arrivent-ils à
remobiliser les savoirs présentés par leurs camarades dans d’autres situations ?
2.2. Présentation des outils
Pour tenter de répondre à la problématique et de valider ou invalider l’hypothèse
présentée en amont, plusieurs outils d’analyse ont été créé afin de traiter les
données collectées sur le terrain. Ces outils sont de diverses natures. Certains
permettront de présenter une démarche statistique et quantitative, quand d’autres
s’attacheront plutôt à appuyer une démarche qualitative.
Un premier volet d’outils devrait permettre d’analyser la première phase
d’institutionnalisation du travail de groupe, à savoir les travaux produits par les
élèves lors de la mise en activité de groupe. Ces outils serviront d’appui pour
répondre à la question suivante : quelle projection des élèves lors de la mise en
activité de groupe ? On analysera ici comment les groupes anticipent le passage
oral et la transmission de connaissances lors de l’activité de groupe et si c’est
connaissances se sont véritablement muées en « savoirs institutionnalisés » avant
même le passage à l’oral.
23
Un deuxième volet d’outils permettra d’analyser la deuxième phase
d’institutionnalisation, à savoir les restitutions orales des groupes et les interactions
qui en découlent. Ces outils devraient permettre de répondre à la question suivante :
la restitution orale du groupe et les interactions qui suivent entre le groupe, la classe
et le professeur permettent-elles d’institutionnaliser les savoirs pour l’ensemble du
groupe classe ? La phase d’institutionnalisation permet-elle réellement une
« réconciliation » (Brousseau) des élèves et de l’enseignant lors d’un temps
d’interaction comme le défend le chercheur Guy Brousseau. On tentera de voir si la
deuxième phase d’institutionnalisation correspond au modèle présenté par le
chercher « ces derniers [les élèves] disent ce qu’ils pensent avoir appris, le maître
reformule si besoin et donne une place à l’expression et à la reconnaissance des
connaissances de ses élèves. »17
2.2.1. Les outils d’analyse de la première phase d’institutionnalisation
Outil 1 : la projection de l’institutionnalisation lors du travail de groupe
Respect de Explicitation Choix du Forme du
la structure des mots clés document discours fluide
et des projeté et
consignes pertinent volontairement
pédagogique
Texte 1 +++ - + ++
Texte 2 +++ ++ ++ +++
Texte 3 +++ +++ +++ +++
Texte 4 ++
Texte 5 ++ - ++ +
Texte 6 ++ ++ ++ ++
Texte 7 +++ +++ +++ +++
17 Citation extraite de Etude du processus d’Institutionnalisation dans les pratiques de fin
d’école primaire : le cas de l’enseignement des fractions, Thèse doctorale de Céline Allard, 2016,
HAL
24
Le premier outil créé est un tableau permettant d’analyser les textes des restituions
orales des élèves selon quatre critères : le respect de la structure et des consignes,
l’explication des mots-clés, la pertinence du document projeté au tableau et la forme
du discours. Les différents critères sont évalués sur une échelle de +++ à -. L’objectif
est de constater dans quelle mesure le groupe s’est projeté dans
l’institutionnalisation lors de l’écriture du texte d’oral. Plus les croix sont nombreuses
plus on peut estimer que le groupe s’est projeté activement dans
l’institutionnalisation. Par exemple, pour le critère « explication des mots-clés » on
estime qu’un texte dans lequel les mots clés contenus dans le sujet sont mobilisés
et définis peut obtenir +++. Un texte dans lequel les mots clés ont été mobilisés de
manière pertinente mais sans être réellement définis oscille entre ++ et +. Enfin, un
texte dans lequel les mots clés ont été mobilisés avec un sens erroné (ou que les
élèves n’ont pas été en mesure de définir la notion lors de l’entretien) obtient un -.
L’objectif est de déterminer si les élèves se projettent réellement dans
l’institutionnalisation en répondant aux critères posés en amont.
Outil 2 : analyse comparée des stratégies de groupe pour construire leur production
finale
Prélèvement Reformulation Présentation orale
d’information
Texte 1
Texte 2
Texte 3
Texte 4
Texte 5
Texte 6
Texte 7
Ce tableau a pour objectif de comparer les stratégies des élèves lors de la
construction de leur production finale autrement dit de leur texte pour l’oral. On
observera les stratégies lors des trois temps cruciaux : le prélèvement d’information,
25
la reformulation (écriture du texte) et la présentation orale. Les textes produits par
les élèves ainsi que les enregistrements audio et vidéo serviront d’appuis pour
pouvoir remplir le tableau. A l’issu de l’analyse, on pourra ainsi dégager les
stratégies qui semblent les plus opérantes et qui permettent de produire une
première phase d’institutionnalisation efficace.
Outil 3 : comparatif restitution et trace écrite formalisée
Variation de la forme Variation du fond
Forme de la Forme de la trace Mots clés Mots clés
restitution écrite utilisés par le inscrits dans la
groupe trace écrit
Texte 1 Lettre Paragraphe Salons Salons
rédigé Cafés Cafés
Texte 2 Discours Paragraphe Despote éclairé Despotisme
rédigé éclairé
Texte 3 Exposé Prise de note Façade Façade
classique maritime maritime
Mondialisation
Texte 4 Exposé Pollution Pollut
classique Inégalités soci
Texte 5 Lettre Schéma Code noir Révolte
Col
Texte 6 Exposé ++ ++ Ville-usine Ville industrielle
Cité ouvrière + transport
Texte 7 Pièce de Schéma
théâtre
L’objectif de ce troisième outil est de confronter les restitutions des élèves au cours
construit en commun par la suite. L’hypothèse de départ est la suivante : la trace
écrite formalisée devrait variée sur la forme mais très peu sur le fond. Si l’hypothèse
est corroborée par les données, elle permettrait de constater que la phase
d’institutionnalisation débute bien dès la prise de parole des groupes. Le temps de
mise en commun serait ainsi un temps de reformulation et non d’apports de notions.
Nous avons vu que selon le philosophe Michel Fabre, l’institutionnalisation a un
26
double rôle « tantôt de revitaliser le savoir en réeffectuant le questionnement qui lui
a donné naissance, tantôt au contraire de refouler temporairement ce
questionnement originel pour que, ce qui était réponse devienne alors la base d’un
nouveau problème ». Cet outil permettra de répondre à une double question : les
savoirs proposés par les élèves sont-ils revitalisés dans la trace écrite ? Comment
sont-ils articulés pour permettre de répondre à un problème plus vaste, la
problématique ?
2.2.3. Les outils d’analyse de la deuxième phase d’institutionnalisation
Outil 4 : analyse des interactions et des feedback professeur-élève
On s’appuiera sur les travaux de la chercheuse C.Caffieaux pour étudier les
interactions et les feedback professeur-élèves lors de la phase de discussion faisant
suite à la présentation orale des groupes. A partir de la typologie des réactions
enseignantes proposée par C.Caffieaux18 on constatera si les élèves qui sont à
l’écoute du groupe sont bien actifs lors de la phase de questionnement et de
construction de la trace écrite. L’analyse sera aussi l’occasion d’étudier la posture
de l’enseignant lors de cette phase d’interaction.
Outil 5 : analyse des entretiens réalisés avec un panel d’élèves issus des classes
témoins
Le dernier outil est un ensemble de diagrammes synthétisant un ensemble de
données sur le ressenti des élèves lors d’activité de groupe. Ces données ont été
collectées lors d’entretiens. Elles permettront notamment de révéler les difficultés
principales rencontrées par les élèves lors du travail de groupe, les remédiations
qu’ils proposent après pratique ainsi que leur perception des séances de restitutions
orales.
18 Caffieaux, C. (2009). Analyse des caractéristiques des feedback fournis par des
enseignants d’école maternelle face aux prestations de leurs élèves. Mesure et évaluation en
éducation, 32
27
3. Analyse des résultats : les postures de l’élève dans le processus
d’institutionnalisation du cours
3.1. La première phase d’institutionnalisation : quelle projection des
élèves lors de la mise en activité de groupe ?
L’objectif de ce premier temps d’analyse est de voir comment les groupes anticipent
le passage oral et la transmission de connaissances lors de l’activité de groupe.
Pour répondre à cette question, on s’appuiera sur trois outils d’analyse : le tableau
de la projection des élèves dans l’institutionnalisation lors du travail de groupe,
l’analyse comparée des stratégies de groupe pour construire leur production finale
et le tableau comparatif de la restitution et la trace écrite formalisée.
3.1.1. La projection des élèves dans l’institutionnalisation lors du travail de
groupe
Respect de Explicitation Choix du Forme du
la structure des mots clés document discours fluide
et des projeté et
consignes pertinent volontairement
pédagogique
Texte 1 +++ - + ++
Texte 2 +++ ++ ++ +++
Texte 3 +++ +++ +++ +++
Texte 4 +++ +++ (pas demandé) +++
Texte 5 ++ - ++ +
Texte 6 ++ ++ ++ ++
Texte 7 +++ +++ +++ +++
Le premier outil (tableau ci-dessus) permet de dresser plusieurs constats. Tout
d’abord, l’ensemble des textes réalisés et analysés répondent à la consigne de
départ. Les élèves semblent donc avoir mobilisés à bon escient les documents mis
à leur disposition pour répondre à la mission qui leur était proposée. Aucun travail
28
produit n’a été hors sujet. L’autre constat positif concerne la forme du discours.
L’ensemble des groupes a adopté une posture volontairement pédagogique et
proposé des discours relativement fluides. On peut par exemple citer un passage
du texte n°3 :
« Bonjour la classe, nous sommes le groupe 1 et en ce jour nous allons vous
expliquer ce qu’est la northern range et pourquoi est-ce qu’elle est intégrée à la
mondialisation. La northern range est une façade maritime située au nord-ouest de
l’Europe [une élève situe sur la carte projetée au tableau]. Il y a de nombreux ports
modernes et bien connectés à la mondialisation. Elle assure une bonne intégration
au commerce maritime mondial comme le montre le document 5 [une élève montre
sur la carte projetée les grandes routes maritimes reliant la northern range au reste
du monde]
[…]
Ainsi, la façade de la northern range est bien intégrée à la mondialisation. Avez-
vous des questions ? »
Dans cet extrait comprenant le début de l’intervention des élèves et la fin de
l’intervention, on observe que le texte support a bien été pensé comme une réponse
à un sujet et comme une intervention directement adressée à la classe. Les élèves
du groupe rappellent leur sujet de départ, mobilisent les mots-clés, illustrent leur
propos à l’aide du document projeté et terminent par une phrase conclusive et une
invitation à la discussion. Ainsi, lors de la construction de leur texte, les élèves se
sont bien projetés dans l’institutionnalisation en adoptant un ton volontairement
explicatif.
Lors des restitutions de l’année l’ensemble des membres du groupe ont à prendre
la parole au moins une fois. Au début de l’année, certains éprouvaient des difficultés
à faire porter leur voix. La récurrence des exercices oraux au cours de l’année a
permis de travailler l’aisance orale. On constatera également avec le troisième outil
d’analyse que les élèves ont, au fur et à mesure de l’année, pris plus de risque et
proposés des restitutions orales originales dans la forme (mise en scène
théâtralisée, discours…). Le choix du document projeté au tableau est dans la
majorité des cas pertinent. Les élèves choisissent toujours des documents visuels
29
(photographies, cartes, graphiques). La limite concerne plutôt l’usage de ce
document. La consigne précise en effet que chaque document projeté devra être
présenté et analysé. Les textes 1, 5 et 6 témoignent de cette limite. Ils ne font
aucunement référence au document projeté.
L’autre limite à la projection du groupe dans l’institutionnalisation est l’explicitation
des mots-clés. Lors des premiers travaux de groupe, la liste des mots-clés à
mobiliser lors de l’oral était précisée. A partir de décembre la liste des mots-clés
n’était plus précisée. Si la totalité des élèves évoquent et citent les mots-clés, ils ne
les explicitent pas toujours clairement à leurs camarades lors de l’oral. Les textes 1
et 5, ont été évalué niveau – sur cette compétence. Les élèves ont mobilisé les
mots-clés mais n’ont pas été en mesure de les expliciter et de les définir à leurs
camarades. Or, l’enjeu des travaux de groupe est d’amener les élèves à construire
les notions et à les expliciter de manière vivante à l’oral au reste de leurs
camarades. Dans ces deux textes, les élèves ont su « illustrer » mais pas
« conceptualiser » la notion. Ce travail a donc été repris dans un second temps lors
de l’échange avec la classe. Le premier outil nous a donc permis de dresser
plusieurs constats. Afin de mieux analyser ces premiers constats, il peut être
intéressant d’étudier les stratégies de groupe qui ont permis d’aboutir à la
production finale (texte et oral).
30
3.1.2. Analyse comparée des stratégies de groupe pour construire leur
production finale
Prélèvement Reformulation Présentation orale
d’information
Texte 1 Surlignage sur Ne suit pas les étapes Répartition de la parole
les documents (juxtaposition visible sur le texte
d’informations d’appui
prélevées dans les
documents)
Texte 2 Stratégie non Suit les étapes Stratégie non visible
visible proposées dans la
formulation de la
mission
Texte 3 Tableau pour Suit les étapes Répartition de la parole
dégager les proposées dans la visible sur le texte
idées principales formulation de la d’appui
du document mission
Texte 4 Stratégie non Suit les étapes Répartition de la parole
visible proposées dans la visible sur le texte
formulation de la d’appui
mission
Texte 5 Surlignage sur Suit les étapes Stratégie non visible
les documents proposées dans la
formulation de la
mission
Texte 6 Stratégie non Suit les étapes Répartition de la parole
visible proposées dans la visible sur le texte
formulation de la d’appui
mission
Texte 7 Stratégie non Ne suit pas les étapes Répartition de la parole
visible (forme pièce de visible sur le texte
théâtre) mais répond d’appui (rôles au sein
aux demandes. d’une pièce de théâtre)
31
Ce deuxième outil met en valeur les stratégies de groupe lors de trois moments
cruciaux du travail de groupe : le prélèvement d’information, la reformulation (la
construction du texte) et la présentation orale (négociation de la prise de parole).
Les stratégies sont globalement visibles, à l’exception de quelques groupes. L’étape
lors de laquelle les stratégies transparaissent le moins est l’étape du prélèvement
d’information dans les documents. Peu de groupes mettent en place des stratégies
intermédiaires entre la lecture des documents et la construction du texte (si ce n’est
les réponses aux questions intermédiaires qui étaient obligatoires lors des premiers
travaux de groupe). Certains groupes surlignent les documents. Seul un groupe a
mis en place une véritable étape intermédiaire en construisant un tableau résumant
les informations principales des documents :
Tableau préparatoire, Texte 3
Pour l’étape de la reformulation, les élèves semblent en majorité mettre en place
des stratégies leur permettant de ne pas paraphraser les documents. Seul le groupe
ayant produit le texte 1 a réalisé un oral qui ne reprenait pas les étapes formulées
dans la mission. La conséquence est que le texte produit est une juxtaposition
d’informations trouvées dans les documents. Les informations visibles dans le texte
sont celles qui ont été surlignées dans les documents. Ainsi, le groupe n’est pas
passé par une véritable étape de synthétisation, confrontation et reformulation des
documents. Les autres groupes ont suivi les étapes visibles en filigrane dans la
32
formulation de la mission (souvent deux étapes). Un groupe s’est éloigné des
étapes proposées mais a su réintégrer l’ensemble des attentes sous la forme d’une
pièce de théâtre présentant les conditions de vie ouvrière lors de la révolution
industrielle. Ce travail témoigne d’une capacité importante des élèves à
conceptualiser les informations des documents et à les retravailler sous une forme
différente.
Enfin, les stratégies de groupe lors de la présentation orale sont identiques pour la
grande majorité des groupes. La parole est répartie en amont : soit de manière
linéaire (un élève parle après l’autre) soit selon une organisation plus travaillée
(répartition des rôles dans les saynètes). En observant les textes supports pour
l’oral 19, on constate que les élèves accordent de l’importance à la juste répartition
de la parole… au détriment parfois du sens. Il n’est pas rare de voir un élève
transmettre la parole à son camarade au milieu d’une phrase.
Stratégie de répartition de la parole,
Texte 6
19 Voir en annexes les différents textes supports produit par les élèves.
33
3.1.3. Comparatif restitution orale et trace écrite formalisée
Variation de la forme Variation du fond
Forme de la Forme de la trace Mots clés Mots clés
restitution écrite utilisés par le inscrits dans la
groupe trace écrit
Texte Lettre Paragraphe Salons Salons
1 rédigé Cafés Cafés
Texte Discours Paragraphe Despote éclairé Despotisme
2 rédigé éclairé
Texte Exposé Prise de note Façade Façade
3 classique maritime maritime
Mondialisation
Texte Exposé Schéma/Prod Pollution Pollution
4 classique graphique Inégalités Inégalités
sociales sociales
Texte Lettre Schéma Code noir Révolte
5 Colonie Abolition de
l’esclavage
Texte Exposé Schéma Ville-usine Ville industrielle
6 classique Cité ouvrière Métallurgie
Réseau de
transport
Texte Pièce de Schéma « Condition « Condition
7 théâtre ouvrière » ouvrière »
Le troisième outil (tableau ci-dessus) permet de confronter les restituions orales des
groupes à la trace écrite construite en commun. L’objectif est de constater quelles
modifications sont observables entre la restitution des élèves et le cours formalisé.
Deux constats peuvent être fait : la variation de la forme est importante mais la
variation du fond est faible. La variation de la forme va de soi puisque l’objectif du
temps de restitution/discussion est d’amener les élèves spectateurs à identifier les
points saillants de l’exposé de leurs camarades et d’intégrer les informations
récoltées dans la progression du cours. Il est donc primordial que la forme varie.
34
Les informations présentées par le groupe ne sont jamais reprises comme telles
dans la trace écrite formalisée. En effet, les exposés proposés par les élèves sont
« autonomes » et indépendants, ils existent et fonctionnent en soi. Or, dans la trace
écrite du cours, les informations entre les différents exposés sont articulées et mises
en relation (sous forme de schéma ou de paragraphes organisés). Autrement dit,
l’exposé des groupes n’est pas perçu comme une fin en soi par les élèves
spectateurs mais comme un élément qui, articulé à un ensemble d’autres, va
permettre de répondre à un problème posé en amont. La trace écrite se fait donc
sous la forme de schéma, de paragraphe rédigé ou de prises de notes qui prennent
place dans une structure problématisée plus large.
Si la variation sur la forme est importante, la variation sur le fond est assez faible
dans l’ensemble. En effet, l’enjeu des restitutions est bien de proposer un premier
temps d’institutionnalisation. Comme l’explique de didacticien Guy Brousseau « la
prise en compte officielle par l’élève de l’objet de la connaissance et par le maître,
de l’apprentissage de l’élève est un phénomène social très important et une phase
essentielle du processus didactique : cette double reconnaissance est l’objet de
l’institutionnalisation »20. L’institutionnalisation n’est donc pas un espace
« frontière » qui clôturerait le temps de travail des élèves et ouvrirait celui de
l’enseignant. Au contraire, il serait un temps « couture », faisant du lien entre le
travail des élèves et les objectifs de l’enseignant. On devrait donc trouver dans les
restituions orales les principales informations et notions que l’enseignant a pour
objectif de faire construire aux élèves.
Le tableau ci-dessus permet de corroborer cette hypothèse. La majorité des notions
ou concepts centraux de la trace écrite ont été mobilisés par les élèves lors des
restitutions. L’outil d’analyse n°1 a néanmoins mis une limite en valeur : si elles sont
mobilisées, tous les groupes ne définissent pas et ne conceptualisent pas les
notions en jeu. C’est donc lors du temps d’interaction avec la classe que les notions
vont pouvoir être définies clairement. Un exemple témoigne néanmoins d’une
variation de fond importante, le texte 5. Dans leur restitution orale le groupe s’est
tenu à la consigne qui consistait à raconter et expliquer les évènements de la révolte
20 Citation extraite de Etude du processus d’Institutionnalisation dans les pratiques de fin d’école
primaire : le cas de l’enseignement des fractions, Thèse doctorale de Céline Allard, 2016, HAL
35
de St-Domingue en 1791. Les principales notions mobilisées ont été, à juste titre,
« code noir » et « colonie ». Or, les mots-clés apparaissant dans la restitution
(schéma) ont été « révolte » et « abolition de l’esclavage ». Cet exemple met peut-
être en valeur une limite du système de restitution. L’enjeu qui se trouve derrière la
révolte de Saint-Domingue (en tant qu’objet historique autonome) est bien le
soulèvement d’une colonie qui se révolte face au système du code noir. Or, cet
évènement historique est traité dans la trace écrite du cours à une échelle plus
large. Il n’est pas étudié comme un évènement historique en soi mais comme un
révélateur des contestations au système esclavagiste. Ainsi, les élèves traitent les
évènements ou des thématiques à une échelle micro-historiques ou micro-
géographiques alors que la trace écrite va traiter ces informations à une échelle
macro. Il peut donc en résulter des « décalages » qui procèdent d’une modification
d’angle de vue entre le sujet traité par le groupe et le sujet général du cours.
3.1.4. Confrontation des analyses des données
Les données analysées ci-dessus ont permis d’aboutir à plusieurs constats. A partir
de ces constats, il semble intéressant de formuler une réponse à la question posée
en amont : quelle projection des élèves dans l’institutionnalisation lors de la mise en
activité de groupe ? Les trois outils ont permis de démontrer que les élèves se
projetaient activement dans la phase d’institutionnalisation. Les stratégies qu’ils
mettent en place témoignent de leur investissement à produire une restitution orale
répondant au sujet. Ce temps de restitution semble bien perçu par les élèves
comme l’objectif à atteindre. Les consignes sont, dans la très grande majorité,
respectées. Les trois outils d’analyse ont néanmoins permis de mettre en évidence
deux limites principales au système. La première concerne la mobilisation des
notions clés. Certains groupes ne conceptualisent pas la notion en jeu dans leur
sujet et ne la définisse pas dans leur restitution. Cela est notamment observable
dans les groupes où les élèves ont plus de difficultés scolaires. Dans ce cas, la
phase de définition/conceptualisation est transférer à l’étape suivante : la phase de
discussion avec la classe. La deuxième limite concerne l’angle de vue adopté par
le groupe. L’angle de vue choisi par les élèves ou induit par le sujet de la mission
ne correspond pas toujours exactement à l’angle de vue qui va être utilisé dans la
trace écrite. Encore une fois le temps de discussion avec la classe faisant suite aux
restitutions, permet d’effectuer cette rectification d’angle de vue.
36
Ces premières conclusions permettent de d’aboutir à l’hypothèse suivante : les
limites constatées dans la première phase d’institutionnalisation peuvent être
rectifiées dans la seconde lors du temps d’interaction entre le groupe, la classe et
le professeur. Il convient donc maintenant d’analyser ce deuxième temps
d’institutionnalisation à partir d’outils différents.
Schéma conclusif 3.1
Quelle projection dans
l’institutionnalisation lors de l’activité de
groupe ?
En termes de En termes de savoir- En termes de savoir-être…
savoirs… faire… • Répartition de la
• Mobilisation des • Respect des parole en amont
mots-clés consignes • Formulation évoquant
• Projection d’un • Utilisation de la posture de
document compétences l’enseignant (ex :
pertinent transversales (ex : « avez-vous des
rédaction de lettres, questions ? »)
saynètes)
37
3.2. La deuxième phase d’institutionnalisation : quelles interactions
constructives entre le groupe, la classe et le professeur ?
L’objectif de ce second temps d’analyse est de voir comment les interactions entre
les trois pôles de la classe (professeur, groupe passant à l’oral, élèves spectateurs)
se tissent et permettent de fixer les savoirs construits par le groupe présentant sa
restitution. Ce second temps sera aussi l’occasion de découvrir comment les élèves
perçoivent et s’approprient les temps de travail de groupe et de restitutions. On
tentera donc ici de répondre à un double questionnement : comment se tissent les
interactions entre le groupe, la classe et le professeur ? Comment les élèves
investissent et s’approprient le cours institutionnalisé ?
3.2.1. Analyse des interactions lors du temps de discussion avec la classe
L’analyse des interactions entre les groupes, la classe et le professeur s’appuiera
sur l’enregistrement audio de deux séances de restitutions de travaux de groupe :
l’une en classe de 4A et l’autre en classe de 4C. Le chapitre, « Mers et Océans un
monde maritimisé », est le même pour les deux séances. Les groupes présentant
leurs travaux ont travaillé les thèmes suivants : « la piraterie maritime », « les
conflits en mer de Chine ». Cette analyse sera l’occasion de comparer les modèles
d’interactions existants dans les deux classes. On analysera dans un premier temps
la prise de parole des élèves spectateurs et leurs interactions avec le groupe. Dans
un second temps on s’intéressera aux feedbacks enseignants21.
Quels élèves interviennent lors du temps de discussion avec la classe et dans quel
but ? Pour répondre à ces questions, les élèves des deux classes ont été répertoriés
selon leur niveau de compétence en histoire-géographie. La création de trois
profils - niveau très satisfaisant en histoire-géographie, niveau satisfaisant, niveau
faible – va permettre de repérer plus aisément les élèves qui prennent part aux
interactions.
21 Caffieaux, C. (2009). Analyse des caractéristiques des feedback fournis par des
enseignants d’école maternelle face aux prestations de leurs élèves. Mesure et évaluation en
éducation, 32
38
Tableau : groupes d’élève en fonction de leur niveau scolaire en histoire-géographie
Niveau très satisfaisant Niveau Niveau fragile
(profil 1) satisfaisant (profil 3)
(profil 2)
4A 10 élèves 12 élèves 5 élèves
(27 élèves)
4C 6 élèves 15 élèves 8 élèves,
(29 élèves)
Diagrammes : répartition de la prise de parole des élèves en fonction des trois
groupes créés.
répartition de la prise de parole des élèves
en classe de 4A
9% Elèves au niveau
très satisfaisant
51% Elèves au niveau
40%
satisfaisant
Elèves au niveau
faible
répartition de la prise de parole des élèves
en classe de 4C
Elèves au niveau très
26% satisfaisant
Elèves au niveau
55% satisfaisant
19% Elèves au niveau
faible
39
Sur la séance de 4A, on a comptabilisé quarante-trois interventions d’élèves
« spectateurs » suite au passage des groupes. Sur la séance de 4C les interactions
ont été moins importantes. Trente et une interventions d’élèves ont été comptabilisé.
Globalement le modèle d’interaction est le même pour les deux classes. Les
interventions proviennent en majorité des élèves au très bon niveau de compétence
en histoire-géographie (51% en 4A et 63% en 4C). La différence majeure entre les
deux séances concerne les interventions des élèves en difficulté. Les interventions
des élèves au niveau de compétence fragile en histoire-géographie sont plus
importantes en classe de 4C (26% des interventions) qu’en classe de 4A (9%). Il
convient néanmoins de préciser que ce groupe est plus important quantitativement
en 4C (8 élèves) qu’en classe de 4A (4 élèves).
Le constat est donc le suivant : les élèves en situation de réussite interviennent plus
que les élèves en difficulté dans la phase de discussion. Pour mieux analyser cette
donnée, les interventions des élèves ont été classées selon une typologie précise
(voir tableau ci-dessous) afin de déterminer une corrélation entre le profil des élèves
et le type d’intervention.
Question au Réponse à une Reformulation Intervention
groupe question du pour la trace écrite spontanée (avis,
professeur information
complémentaire)
4A Profil 1 Profils 1, 2 et 3 Profil 2 Profils 1 et 2
4B Profil 1 Profil 1 et 3 Profil 1 Profils 1 et 3
On observe que le profil le plus actif pour poser des questions au groupe est le profil
1. Les élèves de ce profil ont pourtant un très bon niveau de maitrise de la discipline,
qui devrait leur permettre de bénéficier d’une bonne compréhension des
interventions de leurs camarades. Deux hypothèses pourraient être formulées.
Premièrement, les élèves en situation de réussite sont des élèves principalement à
l’aise dans la classe, qui ne craignent pas qu’une question posée puisse remettre
en cause la perception que les autres élèves ont d’eux. Cela est moins évident pour
des élèves en difficulté scolaire. Deuxièmement, les questions posées par les
40
élèves sont souvent des questions de compléments et non des questions
d’incompréhension. Les élèves du profil 1 sont ceux qui arrivent le mieux à
synthétiser les informations présentées par le groupe et qui invitent donc le groupe
à leur fournir des informations complémentaires. Ainsi, lors de la séance les
questions de complément ont été nombreuses. On en citera ici quelques-unes
issues des deux séances :
« Est-ce que les pirates maritimes font partie de grandes organisations de pirates
ou est-ce que c’est juste quelques personnes qui interviennent seules ? »
« Quand c’est les gens de la mission Atalante qui arrêtent les pirates, ils sont jugés
par l’Europe ou par leur pays d’origine ? »
« Comment les pirates se procurent des armes et des bateaux s’ils n’ont pas
d’argent ? »
« Est-ce que ça arrive que les pirates tuent l’équipage s’ils n’obtiennent pas la
rançon qu’ils veulent ? »
« Est-ce que Kim jong un veut s’approprier la mer de Chine ? »
« Pourquoi tous les petits pays d’Asie ne se mettent pas ensemble pour faire la
guerre à la Chine qui se croit toute puissante ? »
« Quand on dit conflit ça veut dire qu’ils se font vraiment la guerre – genre ils
s’entretuent – ou juste ils ne sont pas trop d’accord ? »
Le groupe est alors invité à formuler une réponse afin de favoriser les interactions
entre les élèves. Néanmoins, la majorité des questions requiert une intervention du
professeur qui complètera ou corrigera la réponse apportée par le groupe.
Outre les questions posées au groupe, la reformulation des informations en vue de
la rédaction de la trace écrite commune est une tâche principalement mobilisée par
les élèves en situation de réussite. Les tâches plus simples : les réponses aux
questions du professeur (soit sur le contenu de l’intervention du groupe soit sur des
apports complémentaires) et les interventions spontanées, sont mobilisées par
l’ensemble des profils. Afin de favoriser un équilibre dans la prise de parole,
l’enseignant doit être vigilant à encourager les élèves aux profils 2 et 3 à intervenir
41
sur les tâches sur lesquelles ils sont plus à l’aise et de laisser les tâches orales les
plus complexes aux élèves très compétents22.
Qu’en est-il des interactions professeur-élèves lors de la phase de discussion ?
Pour répondre à cette question, on s’appuiera sur les analyses de la chercheuse
Christine Caffieaux dont le travail de recherche consiste en « l’observation et
l’analyse des différentes formes de réactions (feedback) d’enseignants face aux
démarches et performances des élèves et leurs effets sur les conduites des
élèves »23. Elle définit les feedbacks comme des modalités de régulation interactive
en situation collective, autrement dit comme la réaction de l’enseignant à
l’intervention d’un élève lors d’une situation d’interaction. Le schéma ci-dessous,
extrait de l’article « Analyse des caractéristiques des feedback fournis par des
enseignants d’école maternelle face aux prestations de leurs élèves » présente la
typologie des différents feedbacks de l’enseignant :
22 Voir « Réaliser un enseignement plus explicite », extrait vidéo de Jean-Yves Rochex sur
l'enseignement explicite, IFE.fr
23 Caffieaux, C. (2009). Analyse des caractéristiques des feedback fournis par des
enseignants d’école maternelle face aux prestations de leurs élèves. Mesure et évaluation en
éducation, 32
42
A partir de la typologie proposée par C.Caffieaux, le tableau ci-dessous résume les
principaux feedbacks mobilisés lors des deux séances enregistrées :
Feedback Feedback de Feedback de Feedback
d’évaluation direct contrôle développement d’évaluation
collective
« Merci pour votre « Le groupe vous « Je suis « Les autres
intervention, c’était a présenté les d’accord avec toi, vous êtes
très complet » principales zones Kim Jong un d’accord avec ce
de piraterie, n’intervient pas qu’a dit … ? »
Exemple de
« Je suis d’accord
pourquoi la dans les conflits
réactions
avec toi » « Qu’est ce que
piraterie a surtout en mer de Chine
vous pensez de
lieu dans ces méridionale. Mais
« oui, tout à fait »
la reformulation
zones-là ? » qu’est ce qui peut
de… ?
« alors, oui je suis te permettre de
« Qui me Quelqu’un à
en partie d’accord l’expliquer ?
réexplique en une quelque chose à
avec toi mais… » Aide-toi de la
phrase pourquoi il ajouter ? »
carte au
y a des conflits
tableau »
en mer de
Chine ? »
On observe quatre principaux types de feedbacks mobilisés lors de cette séance.
Les feedbacks de développement et d’évaluation direct sont principalement
adressés aux groupes qui présentent leur travail et les feedbacks de contrôle et
d’évaluation collective au reste du groupe classe. Quantitativement, les feedbacks
les plus importants sont les feedbacks d’évaluation direct et de contrôle, soit ceux
qui demande une activité intellectuelle plus restreinte. Les feedbacks de
développement sont plus rares, or ce sont ceux qui favorisent une activité
intellectuelle plus importante chez l’élève.
L’analyse a démontré une grande diversité d’interactions et de postures aussi bien
chez les élèves que chez l’enseignant. Chez les élèves, la nature des interventions
varie en fonction du profil scolaire des élèves. Chez l’enseignant les feedbacks ne
sont pas les mêmes lorsqu’ils sont adressés au groupe ou à la classe. Cette
répartition, bien que pouvant paraitre « cloisonnante » en premier lieu, permet à
43
chaque élève de prendre part à la discussion quel que soit son profil. Les chiffres
révèlent néanmoins des inégalités entre les différents profils en termes de volume
de prise de parole (voir diagrammes).
3.2.2. Analyse des entretiens réalisés avec un panel d’élèves issus des
classes témoins
Après avoir analysé comment les élèves s’investissaient dans l’institutionnalisation
à l’instant T – durant la séance – on analysera ici comment les élèves exploitent ces
savoirs institutionnalisés sur un temps plus long. Pour tenter de comprendre
comment les élèves perçoivent et s’approprient les temps de travail de groupe et de
restitution, j’ai réalisé un questionnaire (voir annexe) à destination des élèves. Seize
élèves, issus des deux classes témoins, ont répondu au questionnaire : onze à l’oral
lors d’entretiens (retranscriptions en annexes) et cinq à l’écrit. Les questions posées
concernaient d’abord le travail de groupe en histoire-géographie, puis le temps des
restitutions orales. Les réponses des élèves ont été traitées quantitativement sous
forme de diagrammes mais aussi qualitativement. Ainsi, des citations d’élèves
permettront d’illustrer les données quantitatives présentées.
Apprécies-tu travailler en groupe en histoire-
géographie ?
Oui
44%
Non
56%
ça dépend
0%
L’une des premières questions posées aux élèves était la suivante : Apprécies-tu
travailler en groupe en histoire géographie ? La très grande majorité des élèves a
répondu « oui ». Néanmoins, le « oui » était parfois accompagné de la mention
« mais ça dépend… ». La réserve formulée par les élèves concernait principalement
44
la constitution des groupes. Je pensais que les élèves pointeraient en premier lieu
la question des affinités puisque je constitue moi-même les groupes. Néanmoins,
cela n’a pas été le cas pour la majorité des élèves interrogés. A la question « quel
est LE point positif du travail de groupe selon toi ? » une élève a d’ailleurs répondu
« travailler avec des personnes qu’on aurait pas choisies de nous-même »24. Les
élèves interrogés ont néanmoins été nombreux à soulever le problème « des
personnes qui ne travaillent pas », « qui ne font rien », « qui attendent que les
autres fassent le travail à leur place ». D’après les élèves interrogés, ces élèves
représentent une minorité mais leurs comportements engendrent chez les élèves
impliqués un fort sentiment d’injustice. Lors des entretiens les élèves ont pris
conscience de la difficulté à constituer des groupes de travail efficients. Tous
n’étaient pas d’accord sur les stratégies à adopter : faut-il favoriser les affinités ou
non ? Faut-il mélanger les niveaux ? Un point d’accord a néanmoins été trouvé :
régulièrement reconfigurer les groupes afin de ne pas toujours travailler avec les
mêmes personnes.
De quoi dépend la réussite d'un travail de
groupe ?
L'investissement des
6%
membres
19%
Les affinités
75% L'organisation au sein
du groupe
Pour 56% des élèves interrogés la réussite d’un travail de groupe tient
principalement à l’investissement des membres dans le travail de groupe. Ces
réponses permettent à l’enseignant de s’interroger sur un élément primordial lors
d’activités de groupe (ou de mises en activité en général) : l’engagement des élèves
dans la tâche. Comment faire en sorte que la grande majorité des élèves
s’investissent dans la tâche à produire ? D’autant plus quand la tâche requiert
24 Voir Philippe Meirieu, « Pourquoi le travail en groupe des élèves ? », 2007
45
interdépendance et entraide entre les élèves. La première réponse semble être la
pertinence de la tâche proposée et du questionnement auquel l’élève va être
confronté. Le questionnaire invitait les élèves à répondre à la question suivante
« trouves-tu que les missions proposées lors des travaux de groupe soient
intéressantes/motivantes ? ». La majorité des élèves a répondu oui. A l’écrit un
élève a précisé que le travail autour des acteurs (personnages historiques, acteurs
géographiques) rendait le travail plus attractif.25 A l’oral certains ont néanmoins
précisé que cela dépendait surtout du thème du chapitre. Une élève a ajouté « des
fois vous prenez des sujets pour nous donner envie on voit. Par exemple quand les
deux Ismaël ont vu qu’on travaillait sur Manchester ils étaient trop contents parce
qu’ils ont directement pensé à l’équipe de foot ». En se fondant sur les réponses
des élèves au questionnaire on comprend que la pertinence de la tâche est un pré-
requis nécessaire pour permettre à l’ensemble des élèves de s’investir et ainsi de
favoriser les interactions au sein du groupe. L’autre facteur permettant le bon
déroulé d’un travail de groupe selon les élèves est la confiance instaurée au sein
du groupe de travail mais également au sein de la classe en général afin de
permettre à tous de trouver sa place lors des restitutions. Les élèves interrogés
apprécient tous présenter leur travail à l’oral. Les raisons invoquées sont les
suivantes : « ça montre qu’on a travaillé », « c’est agréable d’expliquer aux autres
des sujets qu’ils ne connaissent pas », « on se sent un peu comme un prof », « c’est
bien quand les élèves qui écoutent posent les questions, ça montre qu’ils
s’intéressent ». Les élèves ont néanmoins évoqué la difficulté que pouvait constituer
cette étape pour les élèves les plus timides et les moins confiants. Ils précisent
néanmoins que la prise de parole devant un public est quelque chose de formateur
et une étape nécessaire dans la construction du cours.
25 La question de la pertinence des enjeux, des savoirs et des situations de classe sont
interrogées l’article « Des savoirs scolaires sans problèmes et sans enjeux. La faute à qui? »
de Michel Fabre, Revue française de pédagogie, 2007
46
Quels sont les avantages du travail de groupe
selon toi ?
6% L'entraide
38%
Le partage des idées et
des points de vue
56% l''efficacité
Le questionnaire invitait également les élèves à répondre à la question suivante :
quels sont les avantages du travail de groupe selon toi ? Ci-dessous les réponses
des élèves de la classe de 4A ayant répondu au questionnaire lors d’un entretien
oral :
C : Quels sont les avantages du travail de groupe selon toi ?
N : quand on ne sait pas des choses, les autres peuvent savoir.
C : on peut discuter et partager des points de vue différents.
A : l’entraide et le partage des taches. Comme ça on est plus efficace.
L : à plusieurs on réfléchit mieux que tout seul.
Les élèves insistent sur un enjeu central du travail de groupe : la coopération26. Elle
peut prendre la forme de l’entraide ou d’un partage de point de vue. La totalité des
élèves interrogés a insisté sur l’aspect coopératif du travail de groupe. Certains ont
également souligné l’intérêt de cet espace de liberté au cours duquel les élèves
peuvent interagir, se poser des questions, partager leurs points de vue sans regard
du professeur. Une élève regrette ainsi que certains membres de son groupe n’aient
pas saisi cette liberté pour tenter de progresser sans avoir à se confronter au regard
du professeur et du reste de la classe : « par exemple nous notre premier groupe
26
Voir Catherine Reverdy, « La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques ».
Dossier de veille de l’IFÉ, n° 114, décembre. Lyon : ENS de Lyon, 2016
47
avec Laura on était avec Jessy et Bryan. Vu qu’ils sont timides ils ne parlent pas
trop. On leur demandait des fois « est-ce que vous avez des avis ? » mais non ils
n’en ont pas… Après ils sont un peu difficulté, je suis d’accord, mais c’est dommage
parce qu’on pouvait les aider en groupe. On était en petit comité, ils pouvaient
s’exprimer sans avoir peur, on n’allait pas se moquer. ».
En effet, la disposition en travail de groupe permet de reconfigurer les interactions
à l’échelle de la classe. On favorise ainsi, lors du temps de mise en activité, les
interactions d’élèves à élèves. Les interactions professeur-élèves sont plus rares et
prennent place lors de temps ponctuels : questionnement précis, vérification du
travail accompli. Plusieurs questions posées lors de l’entretien invitaient les élèves
à réfléchir à l’intérêt d’un tel système pour les élèves en difficulté comme pour les
élèves en situation de réussite. Ci-dessous un extrait de l’entretien réalisé avec les
élèves de la classe de 4A :
C : moi je sais que sur le chapitre de la révolution industrielle, j’ai bien retenu ce
qu’on a fait grâce à Emelyne. Après un des seuls mots que j’ai bien retenu c’est
paternalisme mais ce n’est déjà pas mal (rires)
C : oui c’est même très bien parce que ce n’est pas évident à comprendre le
paternalisme.
C : Là j’ai bien compris ! Emelyne me l’a réexpliqué mille fois (rires).
C : tu penses que toute seule tu aurais retenu moins de chose ?
C : Ah oui toute seule je vous aurais juste crié « à l’aide » et c’est tout.
A : Moi le dernier travail de groupe j’étais avec les Ismaël et Laurette et j’avais
l’impression de les aider.
C : justement, c’était ma question suivante. Lors des travaux de groupe, as-tu
eu l’impression de faire progresser certains camarades en les aidant ?
E et A : oui complètement.
L : si Aglaé n’avait pas été là dans le dernier travail de groupe je n’aurais pas tout
compris.
48
C : moi en travail de groupe je n’ai jamais aidé quelqu’un, c’est plutôt moi qu’on
aide. Sauf en EMC, j’avais l’impression que ce que je disais a fait avancer le débat
donc j’étais contente.
Les élèves perçoivent aisément les avantages du travail de groupe pour les élèves
en difficulté. L’avantage pour les élèves en situation n’est pas si évidemment perçu ;
Certains élèves en situation de réussite n’ont ainsi pas conscience d’aider les autres
même si leur posture en témoigne. A la question « Lors des travaux de groupe, as-
tu eu l’impression de faire progresser certains camarades en les aidant ? », Vincent,
un élève moteur et impliqué de la classe de 4C, répond : « la première chose à
laquelle on pense c’est comprendre les documents, ce n’est pas forcément aider
les autres. Mais s’il y a besoin oui on le fait. ».
Apprécies-tu les cours où les autres groupes
présentent leur travail à l'oral ?
6%
Oui
ça dépend
94%
Outre la perception des temps de mise en activité de groupe, l’enjeu du
questionnaire était de cerner le ressenti des élèves face aux cours de restitutions
orales. L’objectif était de voir si les élèves percevaient les temps des oraux comme
des temps utiles aussi bien pour le groupe qui passe que pour la classe qui écoute.
L’extrait de l’entretien avec les élèves de 4C présente le point de vue qu’ils portent
sur ces séances de restitutions :
49
Arrives-tu toujours à comprendre les présentations orales de tes camarades
?
L : pas toujours. Des fois il y en a qui ne mette pas le ton, qui sont le nez sur leur
fiche, qui ne nous explique pas vraiment. Du coup, on comprend moins. C’est bien
quand après le passage oral certains posent des questions.
Y : la plupart du temps oui, c’est vraiment rare quand je ne comprends pas. Après
y en a qui sont moins clairs que d’autres mais ça va.
F : qu’on comprenne ou qu’on ne comprenne pas, de toute façon à la fin vous
reformulez pour que tout le monde comprenne.
Et après la reformulation, vous comprenez ?
F et V : oui.
Trouves-tu que cela soit utile d’écouter les oraux des autres groupes ?
V : oui, déjà pour eux. Et puis pour nous, pour la compréhension du cours.
Mais finalement, si je reformule derrière, ça sert vraiment à quelque chose que
le groupe passe à l’oral ? On ne pourrait pas imaginer un cours où j’explique
directement, sans le passage du groupe ?
F : ah bah non madame !
P : non parce que vous ne prendriez pas en compte notre travail.
C : oui je pense un peu comme Paul. Surtout que c’est toujours utile de s’entrainer
à passer à l’oral.
L’une des limites au temps de restitutions orales, comme l’expliquent bien ici les
élèves, est la disparité de qualité dans les productions des élèves. Certains travaux
sont moins complets que d’autres, certains oraux sont prononcés sur un ton moins
convaincant que d’autres. Pourtant, la grande majorité des élèves jugent utile
d’écouter le travail des autres. Plusieurs élèves ont noté la nécessité de prendre en
compte le travail des élèves pour construire le cours et donc de faire passer tous
les élèves à l’oral même si les oraux ne sont pas complets. Tous ont affirmé
50
comprendre les enjeux de chaque sujet après la reformulation et le temps de
discussion avec la classe. Il semblerait même que certains oraux incomplets ou
dont l’argumentation est défaillante provoquent chez les élèves spectateurs un
questionnement plus important porté par des points d’incompréhension. Ainsi, les
situations d’interaction les plus riches entre le groupe, la classe et le professeur font
souvent suite à des oraux moins réussis. Il semblerait donc que l’institutionnalisation
en plusieurs étapes permettent bien aux élèves de saisir les savoirs en jeu. Soit ces
savoirs sont saisis dès le premier temps d’institutionnalisation, lorsque l’oral est de
qualité, soit ces savoirs sont reconstruits dans un second temps en collectif lorsque
le premier temps d’institutionnalisation a été défaillant. Quelle que soit la situation,
il semblerait que les élèves s’approprient bien les savoirs à l’issu des deux phases.
Enfin, le questionnaire a eu pour objectif de comprendre comment les élèves
percevaient la trace écrite formalisée écrite en commun. Une première question
concernait la forme. Les élèves étaient ainsi invités à expliquer quelle était la forme
du cours qu’ils préféraient (trace écrite rédigée, prise de note, schéma). Les
réponses ont été variées et lors des entretiens oraux les élèves sont tombés
d’accord sur le fait que l’idéal était d’alterner. Un élève a fait une remarque qui me
semble pertinente concernant la trace écrite : « moi peu importe la forme, ce que je
préfère c’est quand vous interrogez le reste de la classe et qu’en fonction des
réponses des élèves vous corrigez ou pas et qu’on écrit ce qui a été dit à l’oral.
Parce qu’il y a des profs qui dictent juste le cours tout fait et on copie mais on ne
comprend pas toujours. Je pense que si la classe participe et qu’on écrit phrase par
phrase ensemble, à la fin ça fait un cours et on comprend tous. »27. L’enjeu de la
trace écrite est donc bien de partir du travail des élèves : la production du groupe
ainsi que les interactions qui suivent. Dans une démarche socio-constructiviste,
l’institutionnalisation des savoirs en deux phases permet ainsi à chaque élève de
prendre part à la construction de la trace écrite commune.
Le questionnaire proposé aux élèves a mis en valeur le ressenti des élèves sur les
deux phases du travail de groupe : la mise en activité et la restitution. Certaines
interrogations des élèves rejoignent celle du professeur : comment constituer des
27 La remarque de cet élève va dans le sens de la recherche didactique autour des
démarches socio-constructivistes. Voir l’ouvrage de Bernard Rey et Michel Staszewski, Enseigner
l’histoire aux adolescents. Démarches socio-constructivistes (De Boeck, 2002)
51
groupes ? comment gérer les disparités de niveaux lors de la mise en activité et lors
des restitutions ? Néanmoins, le constat est plutôt positif. Les élèves apprécient
travailler en groupe pour trois raisons principales, même si elles ne sont pas
formulées comme telles : la coopération (entraide, partage des points de vue), les
interactions (discussions avec les membres du groupe, présentation du travail au
reste de la classe) et la prise en compte de leur travail dans la construction du cours
(passage à l’oral, reformulation par la classe, utilisation des mots des élèves dans
la trace écrite).
Schéma conclusif 3.2
PHASE1 : RESTITUTION
Passage du groupe à l’oral
PHASE 2 : INTERACTIONS PHASE 2 : REFORMUATION
Classe-groupe A l’oral : par un élève
Professeur-groupe spectateur désigné en amont
Professeur-classe A l’écrit : construction de la
→ interventions variées en trace écrite par les élèves en
fonction du niveau de collectif
compétences des élèves
PHASE 3 : APPROPRIATION
Meilleure intégration des savoirs
construit lors d’une mise en
activité longue et en groupe
Bonne appropriation des savoirs
restitués aux autres
Trace écrite construite en collectif
mieux saisie
52
Conclusion
L’enjeu principal de cette recherche était de déterminer si, dans un contexte de
travail de groupe différencié, un processus d’institutionnalisation en deux étapes
permettait à l’ensemble des élèves de s’investir dans les processus de
décontextualisation et de dépersonnalisation des savoirs28. Nos données mettent
en valeur que les deux étapes – restitutions orales des groupes et temps
d’interaction groupe/classe/enseignant – sont interdépendantes mais porteuses
d’enjeux distincts en termes de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être. Le
découpage en deux temporalités semble donc pertinent pour construire les savoirs
dans une démarche socio-constructiviste.
La première étape permet aux élèves de « conceptualiser » les connaissances
construites en les présentant au reste du groupe classe à l’oral. La posture que
doivent adopter les élèves pendant leur restitution les a obligés dès leur mise en
activité initiale à se projeter dans la transmission des savoirs et donc à se projeter
dans la phase d’institutionnalisation. L’enjeu est ainsi de « comprendre » avec pour
objectif de « faire comprendre » aux autres. La responsabilisation de l’élève
qu’induit cette tâche et l’autonomie que leur confère la mise en activité de groupe
permettent également aux élèves de construire de nouveaux savoir-faire et savoir-
être. L’analyse des données récoltées a permis de mettre en évidence que la
majorité des élèves s’investissaient de manière volontaire dans cette tâche même
si certains parvenaient difficilement à la conceptualisation attendue.
La deuxième étape permet aux élèves d’interroger les savoirs construits par le
groupe et de se les approprier lors d’un temps d’interaction. Cette étape permet à
chaque élève de s’investir, à son niveau, dans la construction du cours commun.
Elle est également un temps lors duquel les interactions, de nature très diversifiée,
sont reconfigurées en comparaison à un cours classique (importantes interactions
élèves-élèves). Cette étape est enfin le temps lors duquel l’enseignant apporte sa
validation alors qu’il tenait jusqu’à présent le second rôle dans la classe, le premier
28 Brousseau Guy, "La théorie des situations didactiques”. Recueil de textes de Didactique
des mathématiques 1970-1990 présentés par M. Cooper et N. Balacheff, Rosamund Sutherland et
Virginia Waefield., La pensée sauvage, Grenoble, 1998
53
rôle étant tenu par « l’action » soit la situation didactique qui permet aux élèves
d’acquérir des connaissances (la tâche de groupe et les restitutions) 29. L’analyse
des données a permis de mettre en évidence que les élèves s’investissaient dans
ce temps d’interaction – chacun à sa mesure – et considéraient comme nécessaire
la prise en compte de leur travail dans la construction du cours formalisé.
Ce travail visait à montrer que le travail de groupe et l’institutionnalisation des
savoirs qui en découle est une réponse intéressante à la mise en activité des élèves
à l’heure de la réforme du collège et des réflexions plus larges sur les démarches
socio-constructivistes et les conflits socio-cognitifs à l’école. En travaillant à la fois
sur la construction de connaissances, de capacités et d’attitudes diverses, il semble
qu’une institutionnalisation en deux temps suite à un travail de groupe permettent
bien à chaque élève de construire des compétences et de s’approprier les savoirs
disciplinaires.
29 Voir Brousseau Guy, "La théorie des situations didactiques”. Recueil de textes de
Didactique des mathématiques 1970-1990 présentés par M. Cooper et N. Balacheff, Rosamund
Sutherland et Virginia Waefield., La pensée sauvage, Grenoble, 1998
54
BIBLIOGRAPHIE
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« Réaliser un enseignement plus explicite », extrait vidéo de Jean-Yves
Rochex sur l'enseignement explicite, IFE.fr
56
Annexe 1 : travaux de groupe 1
57
58
Annexe 2 : Travail de groupe 2
59
Annexe 3 : travail de groupe 3
60
61
62
Annexe 4 : travail de groupe 4
63
Annexe 5 : travail de groupe 5
64
Annexe 6 : travail de groupe 6
65
Annexe 7 : trace écrite formalisée sous forme de paragraphe organisé
66
67
Annexe 8 : trace écrite formalisée sous forme de schéma
68
Annexe 9 : trace écrite formalisée sous forme de prise de note
69
70
71
Annexe 9 : retranscription séance d’entretien avec les élèves de la classe de
4ème C
V : Vincent
Y : Yanis
F : Fabio
P : Paul
C : Célia
L : Laura
C : Apprécies-tu travailler en groupe ?
V : oui, c’est intéressant. C’est un moment où l’on peut tous participer.
Chaque idée est ensuite mise en commun. Mais aussi non car il y a des élèves qui
en profitent pour ne rien faire.
P : Oui, moi je suis d’accord avec Vincent.
Y : Moi aussi je suis d’accord avec vous deux parce que par exemple je sais
qu’avec Vincent je peux rigoler mais aussi bien bosser. Pendant le dernier travail
de groupe ensemble on a bien bossé. Mais si je suis avec quelqu’un que je
n’apprécie pas, je vais avoir du mal à bosser.
L : Moi je suis d’accord avec Vincent sur le fait qu’il y a des personnes qui en
profitent pour ne pas travailler.
C : cette observation vous la faite particulièrement en histoire-
géographie cette année ou dans les travaux de groupe en général ?
V : Dans les travaux de groupe en général. Ça va en histoire-géographie tout
le monde bosse à peu près mais dans d’autres matières non.
C : Préfères-tu les travaux de groupe ou les cours où tu as la possibilité
de travailler seul ?
F : en travail de groupe parce qu’on a plus envie de travailler que quand on
est tout seul.
V : ça dépend des jours et des humeurs. Par exemple un vendredi après-
midi je vais préférer travailler tout seul parce que je sais qu’en groupe ça va partir
en n’importe quoi. Alors que le lundi on est frais, je préfère travailler en groupe.
72
Y : Moi je trouve que ça dépend encore un fois des personnes. Si je suis avec
quelqu’un avec qui je sais que je vais travailler c’est bon, sinon je n’ai pas envie.
C : Quels sont les avantages du travail de groupe selon toi ?
C : on peut apporter nos savoirs à d’autres personnes et d’autres personnes
peuvent nous apporter des choses. On partage nos avis. Ça dépend des gens avec
qui on est.
V : l’avantage c’est l’efficacité.
Y : Si on est trois ou quatre il y a beaucoup plus d’idées.
C : Quels sont ses inconvénients ?
L : les personnes qui comptent sur les autres pour travailler et qui ne font rien
pendant plusieurs heures.
Y : plus au niveau de l’organisation. Quand on n’est pas d’accord avec
quelqu’un, qu’il y a plusieurs points de vue différents, c’est pas facile de s’entendre.
C : Selon toi, quelles sont les conditions qui doivent être réunies pour
qu’un travail de groupe fonctionne ?
F : choisir les élèves avec qui on a envie de travailler.
P : mélanger les niveaux.
Y : se mettre avec des personnes qui ont vraiment envie de bosser.
V : moi je dirais, les élèves se mettent en groupe comme ils veulent. Après,
le professeur voit si les groupes tournent et il change s’il voit que ça ne fonctionne
pas.
C : Est-ce que vous êtes d’accord avec Paul sur le fait qu’il faille
mélanger les niveaux au sein d’un groupe ?
V : oui.
C et L : oui.
C : Pourquoi ?
Y : Parce qu’il y en a qui connaissent plus de choses que d’autres. S’il y a
d’un côté que les gens qui connaissent beaucoup de choses et de l’autre ceux qui
73
en savent moins, il y a des groupes qui risquent de bloquer et de ne rien
comprendre.
C : Donc c’est bénéfique pour ceux qui ont les difficultés ?
Y : oui, ceux qui en savent plus peuvent les aider.
C : c’est bénéfique pour ceux qui ont des difficultés à condition qu’ils
travaillent. Sinon ça sert à rien.
C : Et pour ceux qui n’ont pas de difficultés en histoire-géo ? Ça serait
quand même bénéfique ? Quel intérêt cela aurait pour eux d’être avec des
élèves en difficulté ?
F : faire partager leur savoir-faire.
C : oui je voulais dire la même chose.
****
C : Pour toi, un cours d’histoire-géographie c’est : très intéressant /
assez intéressant / pas très intéressant / ennuyant /très ennuyant / trop
compliqué ?
V : très intéressant quand le professeur arrive à capter les élèves. Quand il y
a un sujet précis et puis que le professeur parte sur un dérivé, un passage qui va
intéresser tout le monde. Comme ça, même les élèves qui n’aiment pas le sujet ça
peut les aider à s’intéresser au cours.
F : ça peut être intéressant comme ennuyeux. Ça dépend le programme.
P : moi je n’aime pas quand il y a trop de dates (rires)
V et F : oui moi non plus !
C : c’est rigolo ce que vous dites, on entend souvent cette remarque
sur les cours d’histoire mais finalement vous avez eu à apprendre très peu de
dates cette année.
C : oui c’est vrai…
Y : ça dépend du sujet de cours quand même. Moi ça va je trouve que tout
est intéressant mais il y a quand même des sujets que je préfère.
74
C : un peu comme tout le monde. Ça reste toujours intéressant parce qu’on
apprend des choses de notre histoire.
L : moi je trouve ça très intéressant parce que j’aime l’histoire-géo mais je
sais que pour des personnes qui n’aiment pas ça peut être ennuyant et difficile.
C : As-tu eu l’habitude de travailler en groupe en histoire-géographie
les années précédentes ?
Tout le monde : non. Pas du tout.
C : Cette année, travailles-tu en groupe dans d’autres matières que
l’histoire-géographie ? Si oui, lesquelles ?
C : oui un peu. Là cette année en SVT, en maths, un peu en français et
techno.
Y : oui mais c’est plus rare qu’en histoire.
C : en français on a dû le faire deux fois. On avait choisi groupe et après elle
avait rééquilibré. En SVT c’est la prof qui fait les groupes.
C : Cette année, as-tu préféré les chapitres d’histoire-géographie qui
ont été fait en travaux de groupe ou ceux lors desquels il n’y en avait pas ?
F : c’est mieux quand c’est en groupe.
Y : moi je trouve que ça dépend plus du sujet du cours.
C : oui ça dépend. Par exemple le chapitre sur les inégalités hommes-
femmes on a discuté tous ensemble alors du coup c’était bien.
V : oui c’était bien ça.
C : Quels sont les obstacles/les problèmes que tu as rencontré lors des
travaux de groupe en histoire-géographie ?
Y : on en revient au même, les élèves qui ne veulent pas travailler.
V : et trouver la bonne organisation, se mettre au travail.
C : C’est quelque chose auquel vous avez été beaucoup confronté, les
élèves qui refusent de travailler ?
V : oui à chaque fois.
75
C : oui par exemple nous notre premier groupe avec Laura on était avec
Jessy et Bryan. Vu qu’ils sont timides ils ne parlent pas trop. On leur demandait des
fois « est-ce que vous avez des avis ? » mais non ils n’ont pas… Après ils sont un
peu difficulté, je suis d’accord, mais c’est dommage parce qu’on pouvait les aider
en groupe. On était en petit comité, ils pouvaient s’exprimer sans avoir peur, on
n’allait pas se moquer.
V : nous par exemple avec Yanis on a toujours été ensemble en histoire et
on essaye de les motiver. On leur dit « bon allez on y va, on s’y met ». Et puis quand
on commence à discuter, à mettre en commun on leur dit « tu as lu le texte » et
parfois ils n’ont même pas lu le texte donc nous avance. On écrit et après on leur
explique, on leur dit quoi dire à l’oral et voilà. Sauf que quand on leur pose des
questions à l’oral ils ne savent pas répondre…
Y : par exemple on a été avec Emilie. Elle, elle veut travailler mais elle est
très timide, elle ne parle pas du tout donc on ne sait pas toujours si elle a compris
ou pas.
C : Lors des travaux de groupe, as-tu eu l’impression de progresser
grâce à l’aide d’autres camarades ?
F : ah oui.
Y : oui par exemple la dernière fois avec Vincent sur la révolution de 1848, il
y a quelque chose que je n’avais pas compris dans l’article que vous nous avez
donné et Vincent m’a expliqué.
C : ce qui est bien c’est qu’on arrive avec nos idées et après on partage.
Donc au final on a plus d’idées que si on avait été tout seul.
L : et puis si on ne comprend pas on peut nous expliquer avec nos mots à
nous. On peut comprendre plus facilement s’il y a un mot un peu compliqué que
quelqu’un a compris.
P : oui mais ça dépend des groupes. Des fois j’ai l’impression d’apprendre
des autres et des fois non.
C : Lors des travaux de groupe, as-tu eu l’impression de faire
progresser certains camarades en les aidant ?
C et L : oui on essaye.
76
V : la première chose à laquelle on pense c’est comprendre les documents,
ce n’est pas forcément aider les autres. Mais s’il y a besoin oui on le fait.
C : As-tu l’impression de mieux mémoriser ton cours lorsque tu
travailles en groupe ?
Y : moi j’ai l’impression de mieux retenir tout seul qu’en groupe. Je ne sais
pas pourquoi.
P : en groupe on a pas tous les sujets. On en a qu’un sur plusieurs. Du coup
on connait très bien un sujet et moins bien les autres.
Y : oui mais après les autres nous expliquent à l’oral.
P : oui, oui, mais on a moins de détails.
C :Trouves-tu que les « missions » qui sont proposées lors des travaux
de groupe sont intéressantes/motivantes ?
C et L : oui globalement ça va. Moi j’aime bien.
C : Préfères-tu les travaux de groupe qui ont été guidés par des
questions ou ceux où tu devais te débrouiller seulement avec les
documents ? Pourquoi ?
V : moi j’ai bien aimé quand il y avait des questions parce qu’on savait ce que
vous attendiez de nous.
P : avec les questions on sait mieux ce qu’il faut faire.
C : moi je préfère les questions, comme ça on retient le maximum
d’informations. Du coup notre texte est plus complet.
L : moi je préfère quand il n’y a pas de questions. On est plus libre. On
cherche par nous même les choses importantes et celles qui sont moins
importantes.
Y : oui c’est vrai aussi, je suis d’accord. Mais les questions ça aide quand
même à débloquer quand on a pas trop compris un texte ou qu’on ne sait pas où
chercher. Quand on a plus de mal les questions c’est bien mais si on a bien compris
parfois ce n’est pas utile.
***
77
C : Apprécies-tu les cours lors desquels les autres groupes présentent
leur travail à l’oral ?
V : oui et non. Oui quand le groupe qui passe à l’oral a fait des phrases bien
claires et bien construites. Non quand ça parle un peu trop vite et quand on sent
qu’il y a des élèves qui n’ont pas suivi. Ils lisent leur texte mais sans mettre le ton,
sans comprendre ce qu’ils lisent.
Y : oui moi je voulais dire pareil. Ça dépend du groupe qui passe.
C : Préfères-tu les cours où tu travailles en groupe ou les cours où se
déroulent les restitutions orales ? Pourquoi ?
C : moi personnellement je préfère les cours de restitution, quand on écoute.
Parce qu’on a travaillé sur un sujet et on en découvre d’autres qui sont en lien. Par
exemple nous la dernière fois on a travaillé sur les conflits en mer de Chine. On
savait qu’ils y avaient d’autres conflits à d’autres endroits mais on ne savait pas où
et pourquoi. Donc c’était intéressant de découvrir le travail des autres groupes.
C : Apprécies-tu présenter ton travail à l’oral au reste de la classe ?
Pourquoi ?
C : oui parce qu’on présente un sujet sur lequel on a travaillé en détail. Après
ça dépend si le public écoute. Parce que s’il n’écoute pas on a l’impression de parler
dans le vide.
L : moi j’aime bien parce qu’on a vraiment l’impression qu’on leur apprend
des choses.
Y : moi j’aime bien parce que déjà ça nous entraine à l’oral et c’est important
l’oral, pour le brevet ou même pour plus tard. C’est vrai que ça dépend de
l’ambiance de classe. Par exemple c’est bien quand il y en a qui pose des questions
et qui s’intéresse à ce que l’on dit.
Que ressens-tu juste avant de devoir passer à l’oral ?
V : quand on n’a rien préparé ou qu’on a préparé mais qu’on ne le sent pas
trop, c’est pas du stress mais on se dit « zut on a pas assuré ». Par contre quand
on a bien fait le travail et qu’on a compris, c’est agréable.
78
L : quand tu as bien compris le sujet, que tu es sûre de ce que tu vas dire,
que tu as fait un bon texte, là tu y vas tranquille.
C : quand tu es avec des gens qui n’ont pas travaillé, tu as un peu peur qu’on
leur pose des questions et l’oral et qu’ils n’arrivent pas à répondre alors que toi tu
as compris.
P : quand même quand on est timide c’est dur de passer à l’oral devant tout
le monde.
C : Paul toi tu peux trouver ça dur ? C’est vrai que les autres quand on
vous écoute vous avez l’air plutôt confiants, pas très stressés à l’idée de
passer à l’oral.
P : ah non moi ça ne me stresse pas, je m’en fiche. Mais peut être ceux qui
sont timides.
Y : oui ça les met en difficulté de devoir parler devant tout le monde.
C : par exemple Emilie elle est très timide et elle n’aime pas passer à l’oral
mais si on la met à l’aise et qu’on l’écoute ça va l’aider à progresser.
V : oui je suis d’accord. Emilie qui n’est pas rassurée du tout à l’oral il faut la
mettre en confiance. Quand elle ne parle pas fort ne pas lui dire « parle plus fort »
mais par exemple lui dire sous forme de blague, comme ça après elle rigole et elle
se sent plus en confiance. Par ce que ça peut être dur devant une classe comme
ça.
C : une classe « comme ça » ? C’est intéressant ça, on y reviendra plus
tard.
Y : oui à partir du moment où les personnes se sentent en confiance ; ça sera
moins stressant.
C : Vous utilisez beaucoup le mot confiance. Est-ce que vous pensez
que lors des restitutions orales en histoire-géographie, les conditions sont
réunies pour que vous vous sentiez en confiance ? quelles conditions
permettent de créer un climat de confiance selon vous ?
V : Noui. (rires). Il y a des élèves qui ont besoin d’être poussé. Nous quand
on a un problème ou une question quand on travaille en groupe, on lève la main et
79
vous venez nous voir mais certains n’osent pas lever la main. Ils ne comprennent
pas mais ils préfèrent stresser jusqu’à l’oral plutôt que de demander de l’aide.
C : donc pour toi, pour créer une meilleure relation de confiance il faut
que le prof soit vraiment présent et disponible.
V : oui, avec les gens qui ont des difficultés à l’oral. Pour les guider et les
rassurer.
Y : le truc qui peut poser problème aussi c’est le manque des temps. Des fois
on met un coup d’accélérateur à la fin pour l’oral parce qu’on se rend compte qu’on
a pas assez avancé.
C : Vous avez donc l’impression de manquer de temps ?
V : non Yanis on a largement le temps, c’est plus une question d’organisation.
C : Vous aimeriez avoir un temps lors d’une séance pour revoir
l’organisation et la méthode du travail de groupe (les différentes étapes,
comment procéder) ?
P : oui ça pourrait aider.
F : moi je dis qu’il n’y a pas besoin de ça. C’est juste que parfois on parle
d’autre chose que le sujet et du coup après on est pris par le temps mais c’est de
notre faute.
Y : nous laisser du temps supplémentaire ça serait aller dans notre sens donc
non. Il faut être dur avec nous.
C : Qu’est-ce qui vous permettrait d’être plus efficaces alors ?
V : être stricte avec nous. Nous si on nous met une heure de colle ça nous
ne met pas bien. Parfois ça marche de faire peur.
C : donc vous estimez que la sanction peut vous aider à vous motiver
et vous mettre au travail ?
L : non pas pour tous les élèves.
Y : ça dépend s’il y a les parents derrières ou pas.
V : moi je pense que mettre une heure de colle à une personne turbulente
qui s’en fiche d’avoir une heure de colle ça ne sert à rien. Le mieux ça serait peut-
être de prendre un temps au calme à la fin de l’heure pour en discuter avec lui. Aux
80
Etats-Unis j’ai lu qu’il y avait un prof qui faisait faire du yoga aux élèves turbulents
et ils se calmaient.
C : donc pour toi la solution ce n’est pas la sanction mais le dialogue et
l’écoute ?
V : oui de faire se rendre compte à l’élève que c’est maintenant ou jamais.
Montrer qu’on s’intéresse à lui.
P : les sanctions ça énerve plus qu’autre chose. Ça ne m’aide pas à
apprendre de mes erreurs.
C : en plus notre classe ce n’est pas la meilleure classe du monde. Le
proviseur est déjà venu nous voir pour nous dire que si ça continuait il y aurait des
sanctions le lundi après-midi, pourtant il y en a qui continue à faire le bazar.
V : oui, ça ne change rien du tout.
Y : ça peut encore plus énerver les élèves perturbateurs. S’ils ont des
sanctions, ils vont encore plus avoir envie de perturber le cours et d’énerver le prof.
F : il faut que le prof soit autoritaire. Je ne connais qu’un prof qui quand il dit
« je mets un mot », le fait vraiment. Les autres disent mais ne le font jamais.
C : Donc pour toi autoritaire ça veut dire appliquer les sanctions qui ont
été prévues au départ ?
F : oui
Y : la définition d’autorité pour la plupart des élèves c’est un prof qui donne
la sanction quand il faut, quand c’est vraiment mérité. Si c’est vraiment mérité les
élèves le savent et ils arrêtent.
C : et alors c’est quoi un bon prof selon vous ?
P : quelqu’un qui a une bonne relation avec les élèves et qui dès que ça
commence à vrier dit « stop on arrête » et les élève s’arrêtent.
V : pour moi un bon prof c’est celui qui applique le programme. Quand il a
assez avancé il peut se permettre de rigoler sans déborder. Les élèves
perturbateurs il arrive à les ramener à la raison. Il pourrait prendre des temps avec
eux pour discuter et régler la situation.
81
L : c’est un prof qui sait garder sa classe calme. Sévère mais tout en étant
décontracté. Pour moi il ne faut pas qu’on est peur de son professeur. Pour qu’on
ait envie de travailler, il faut qu’on aime la matière. Si on aime le professeur on va
mieux travailler.
Y : pour moi un bon prof c’est celui qui quand il dit « stop » on a vraiment
envie d’arrêter. On arrête parce qu’on a envie de l’écouter pas parce qu’on a peur
de lui. Il faut qu’on se sente à l’aise dans son cours.
C : en parlant de se sentir à l’aise, vous sentez vous à l’aise dans votre
classe ? Comment définiriez-vous l’ambiance de votre classe ?
L : moi je me sens à l’aise mais je la trouve très très bruyante. Il y a beaucoup
d’élèves dissipés qui se croient les rois du monde.
C : ça vous pose problème pour travailler ?
L : oui moi j’ai souvent mal à la tête à cause du bruit. Des fois j’ai envie de
travailler mais le bruit m’empêche de me concentrer.
V : moi je trouve que l’ambiance de classe se dégrade. Moi j’ai envie de
travailler mais le fait que l’ambiance de classe soit dissipée moi je sens que je suis
moins concentré, que je bosse moins que les autres années.
Y : moi je trouve aussi que huit heures de classe c’est très long. C’est normal
d’avoir envie de rigoler un peu parfois, si ça s’arrête après. Mais là le problème c’est
que c’est tout le temps, dans chaque cours.
V : oui les journées de cours sont trop longues. Et en plus après on a encore
du travail à la maison… Moi avec la musique je rentre à 20h chez moi et je sais que
je dois encore travailler le soir. Ça fait beaucoup.
C : Vous trouvez cela utile le travail à la maison ? Ça vous aide à
progresser ?
P : moi déjà je ne le fais pas beaucoup (rires). Moi je préfèrerais qu’on fasse
ça au collège.
F : en fait si on écoute les profs il faut qu’on travaille tout le temps. A peine
on sort de cours, il faut qu’on se remette au travail !
82
C : oui c’est vrai. Les profs nous disent tous « il faudrait réviser le cours 10 à
20 minutes par jour », comme si ce n’était pas beaucoup mais en fait on a pas le
temps.
P : oui si on additionne chaque cours on en a pour la soirée en fait. Les profs
ont l’impression qu’on a que leur matière à réviser.
L : moi j’aime bien ce que vous faites. Vous ne donnez pas de travail à la
maison mais vous demandez de finir quand on a pas eu le temps en classe.
C : si on est dissipé en cours et qu’on n’avance pas la journée on doit le faire
à la maison. Sauf qu’on n’a pas très envie donc ça nous motive à être efficace en
cours.
Y : moi je pense que ça peut être bien les devoirs à la maison quand on en
a pas trop. Et qu’on a envie de travailler aussi.
F : quand on regarde à l’année on a deux fois plus de temps au collège que
de temps libre chez nous. Donc ça serait bien que sur ce temps libre on puisse se
lâcher, n’avoir rien à faire comme travail. On travaille déjà beaucoup au collège. Il
faudrait peut-être que les vacances soient moins longues mais qu’on ait moins
d’heures de cours dans la semaine.
C : L’ambiance bruyante de votre classe, dont vous parliez tout à
l’heure, c’est quelque chose que vous observez dans chaque cours ?
L et Y : oui
V : moins en espagnol avec Mme Tiratay (leur professeure principale). Elle
est plus stricte, quand ça va trop loin, elle dit stop.
C : On s’éloigne un peu du sujet de départ, je vais recentrer un peu mes
questions sur le travail de groupe. Arrives-tu toujours à comprendre les
présentations orales de tes camarades ?
L : pas toujours. Des fois il y en a qui ne mette pas le ton, qui sont le nez sur
leur fiche, qui ne nous explique pas vraiment. Du coup, on comprend moins. C’est
bien quand après le passage oral certains posent des questions.
Y : la plupart du temps oui, c’est vraiment rare quand je ne comprends pas.
Après y en a qui sont moins clairs que d’autres mais ça va.
83
F : qu’on comprenne ou qu’on ne comprenne pas, de toute façon à la fin vous
reformulez pour que tout le monde comprenne.
Et après la reformulation, vous comprenez ?
F et V : oui.
Trouves-tu que cela soit utile d’écouter les oraux des autres groupes ?
V : oui, déjà pour eux. Et puis pour nous, pour la compréhension du cours.
Mais finalement, si je reformule derrière, ça sert vraiment à quelque
chose que le groupe passe à l’oral ? On ne pourrait pas imaginer un cours où
j’explique directement, sans le passage du groupe ?
F : ah bah non madame !
P : non parce que vous ne prendriez pas en compte notre travail.
C : oui je pense un peu comme Paul. Surtout que c’est toujours utile de
s’entrainer à passer à l’oral.
C : dans l’organisation des travaux de groupe vous avez dû remarquer
que vous travaillez toujours sur un point précis du cours. Est-ce que vous
trouvez que cela vous pose problème dans la compréhension du cours en
général ?
Y : moi je trouve qu’on comprend bien comme ça.
C : c’est bien mais il faut faire des liens entre chaque oral et des fois ce n’est
pas facile. Des fois on a du mal à comprendre le lien entre deux oraux qui
s’enchainent.
L : moi je trouve qu’il y a une grosse différence de compréhension entre le
travail que nous on fait et le travail des autres. Ce qu’on a fait en groupe on
comprend super bien, on a plein de détails. Alors que sur les oraux des autres c’est
moins précis.
C : Pour toi, à quoi doit ressembler la trace écrite du cours ? on en a
testé plusieurs depuis le début de l’année, qu’est-ce que vous préférez ?
C : personnellement ce que j’avais bien aimé c’est quand on passait à l’oral
et qu’on notait juste les grandes idées.
V : les prises de notes.
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C : oui c’est ça, les prises de note !
L : moi j’aime bien les schémas, on voit que « ça » ça entraine « ça ». On voit
les liens.
Y : moi peu importe la forme, ce que je préfère c’est quand vous interrogez
le reste de la classe et qu’en fonction des réponses des élèves vous corrigez ou
pas et qu’on écrit ce qui a été dit à l’oral. Parce qu’il y a des profs qui dictent juste
le cours tout fait et on copie mais on ne comprend pas toujours. Je pense que si la
classe participe et qu’on écrit phrase par phrase ensemble, à la fin ça fait un cours
et on comprend tous.
F : moi je m’en fiche mais j’aime bien quand ça varie.
C : As-tu déjà éprouvé des difficultés à réviser un devoir qui portait sur
un chapitre lors duquel tu as travaillé en groupe ? Qu’est ce qui t’a posé
problème ?
Réponse générale : non.
C : Si tu devais choisir, pour le reste de l’année en histoire-géographie,
tu aimerais : travailler en groupe à chaque chapitre, ne plus travailler en
groupe du tout ou alterner des chapitres avec et sans travail de groupe ?
Réponse générale : alterner. C’est bien de changer.
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Annexe 10 : retranscription séance d’entretien avec les élèves de la classe de
4ème C
L : Laurette
A : Aglaé
N : Nolwenn
E : Emelyne
C : Charlène
C : Apprécies-tu travailler en groupe ?
A : ça dépend.
L : Oui, ça dépend avec qui on est, si les personnes avec qui on est travaillent
ou pas. Et le sujet aussi.
C : Préfères-tu les travaux de groupe ou les cours où tu as la possibilité
de travailler seul ?
E : moi je suis beaucoup mieux seule, comme ça je suis la seule à gérer ce
que je fais. J’avance plus vite.
C : moi je préfère seule. Comme ça s’il y a quelque chose qui coince je sais
que c’est seulement de ma faute et pas de celle des autres. Comme ça je ne freine
pas les autres.
A : moi j’aime bien travailler seule, comme ça je sais ce que je fais, mais
j’aime bien travailler en groupe aussi comme ça quand je ne sais pas les autres
peuvent m’aider.
L : moi je préfère travailler seule parce que si je vais du mauvais travail au
moins je suis la seule à assumer, je n’ai pas besoin de me justifier.
A : quand on est avec des amis on n’est pas très efficace en plus. On est
plus dans la rigolade.
C : Quels sont les avantages du travail de groupe selon toi ?
N : quand on ne sait pas des choses, les autres peuvent savoir.
C : on peut discuter et partager des points de vue différents.
A : l’entraide et le partage des taches. Comme ça on est plus efficace.
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L : à plusieurs on réfléchit mieux que tout seul.
C : Quels sont ses inconvénients ?
C : le problème c’est que quand on est avec des personnes qu’on aime pas,
on a pas envie de travailler mais quand on est avec des personnes qu’on apprécie
on ne travaille pas efficacement parce qu’on a plus envie de rigoler.
L : il faudrait réussir à trouver un juste milieu en fait (rires)
C : Donc finalement si je vous suis bien, vous n’êtes jamais efficace
dans le travail de groupe ?
L et A : Si, si souvent oui.
N : moi je trouve que quand on connait bien les personnes on travaille mieux.
C : moi je trouve qu’il devrait y avoir une personne du groupe qui aurait le
rôle de dire « stop on arrête on se remet au travail ».
L : mais ça c’est compliqué ! Personne ne va lui obéir. Tu veux un médiateur,
quoi ?
C : Selon toi, quelles sont les conditions qui doivent être réunies pour
qu’un travail de groupe fonctionne ?
C : déjà il ne faut pas laisser les élèves choisir leur groupe. Sinon on va
s’amuser et ne pas travailler. Il faut bien fixer les règles pour que ça ne parte pas
en cacahuète.
E : bien détailler ce qu’on a à faire dans le groupe sinon on est perdu et on
ne sait pas trop quoi faire.
L : moi je ne sais pas s’il doit y avoir tant de règles que ça. Après que vous
choisissiez les groupes, pourquoi pas, mais pas donner trop de règles à part les
consignes. Avoir une petite marge de liberté, pas toujours des règles.
A : oui sinon on s’occupe plus des règles à respecter que du travail à faire
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C : Pour toi, un cours d’histoire-géographie c’est : très intéressant /
assez intéressant / pas très intéressant / ennuyant /très ennuyant / trop
compliqué ?
E : très intéressant.
C : moi je ne sais pas trop… En fait je n’ai jamais trop aimé l’histoire mais
c’est vrai qu’avec vous, comparé aux cours d’avant, j’aime bien parce que vous
expliquez les choses et vous êtes à l’écoute des élèves. Quand on dit « Madame je
comprends pas » vous allez prendre le temps de réexpliquer avec des mots plus
simples.
N : c’est intéressant mais il y a toujours des chapitres plus ou moins bien. Ça
dépend du sujet.
A : moi de base je n’aime pas trop l’histoire-géographie. La géographie j’aime
bien mais l’histoire ça dépend vraiment. Je n’aime pas trop quand c’est de l’histoire-
histoire.
C : C’est quoi « l’histoire-histoire » ?
A : Je ne sais pas comment expliquer. Là ce qu’on fait sur la révolution
industrielle j’aime bien mais l’année dernière le moyen-âge j’en avais marre, c’était
toujours la même chose. Là cette année c’est déjà plus proche de nous. Et la
géographie ça me parle plus parce que c’est plus en lien avec le présent.
C : moi quand même l’histoire je trouve ça dur. Il y a plein de dates, des
évènements qui sortent de nulle part, on ne sait même pas pourquoi ! La
géographie, je n’arrive même pas à situer les pays alors je suis perdue. Par contre
là où j’accroche beaucoup, c’est l’EMC. Le dernier chapitre qu’on a fait je m’en
souviendrai toujours.
L : c’est quoi l’EMC ?
C : L’éducation Morale et Civique. Le chapitre qu’on a fait sur les
inégalités hommes-femmes.
L : ah oui c’était trop bien ça, vraiment cool.
C : moi ça m’a vraiment marqué et j’en parle encore à l’heure d’aujourd’hui.
88
C : As-tu eu l’habitude de travailler en groupe en histoire-géographie
les années précédentes ?
Tout le monde : non. Pas du tout.
C : Cette année, travailles-tu en groupe dans d’autres matières que
l’histoire-géographie ? Si oui, lesquelles ?
N : en français, en SVT, en physique-chimie.
L : oui mais un peu, pas tout le temps.
A : oui c’est ponctuel. Sauf en français, un peu plus. Et en anglais aussi
C : oui mais en anglais c’est des petites questions en binômes, pas de gros
travaux de groupe comme en histoire-géographie.
C : Cette année, as-tu préféré les chapitres d’histoire-géographie qui
ont été fait en travaux de groupe ou ceux lors desquels il n’y en avait pas ?
C : moi je préfère les travaux de groupe. J’ai l’impression de suivre et de
comprendre un peu mieux, comme les autres m’aident. Et aussi parce que j’ai
l’impression qu’il y a moins de grosses évaluations stressantes sur les chapitres en
travail de groupe (rires).
L : oui c’est vrai parfois on n’a pas de contrôle.
C : pas de contrôle ? pourtant je vous évalue sur chaque chapitre…
L : celui sur les mers et les océans par exemple.
C : vous avez dû produire un développement construit et réaliser un
croquis, je vous ai évalué dessus.
L : oui mais ce n’est pas vraiment un devoir avec des questions de cours et
tout, des trucs à apprendre par cœur. Avec une feuille où il faut répondre à ça, ça
et ça.
C : peut-être mais ça reste une évaluation. Vous êtes évalués à chaque
chapitre, même si la forme des évaluations varie.
E : en tout cas en groupe vu qu’on travaille par nous-même on retient mieux.
C : Lors des travaux de groupe, as-tu eu l’impression de progresser
grâce à l’aide d’autres camarades ?
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Réponse générale : oui. Oui complétement.
E : non (rires)
L : en même temps Emelyne tu es la première de la classe, personne ne peut
te faire progresser.
C : moi je sais que sur le chapitre de la révolution industrielle, j’ai bien retenu
ce qu’on a fait grâce à Emelyne. Après un des seuls mots que j’ai bien retenus c’est
paternalisme mais ce n’est déjà pas mal (rires)
C : oui c’est même très bien parce que ce n’est pas évident à
comprendre le paternalisme.
C : Là j’ai bien compris ! Emelyne me l’a réexpliqué mille fois (rires).
C : tu penses que toute seule tu aurais retenu moins de chose ?
C : Ah oui toute seule je vous aurais juste crié « à l’aide » et c’est tout.
N : oui mais ça dépend si on est avec des personnes qui travaillent ou pas.
A : Moi le dernier travail de groupe j’étais avec les Ismaël et Laurette et j’avais
l’impression de les aider.
C : justement, c’était ma question suivante. Lors des travaux de groupe,
as-tu eu l’impression de faire progresser certains camarades en les aidant ?
E et A : oui complètement.
L : si Aglaé n’avait pas été là dans le dernier travail de groupe je n’aurais pas
tout compris.
C : moi en travail de groupe je n’ai jamais aidé quelqu’un, c’est plutôt moi
qu’on aide. Sauf en EMC, j’avais l’impression que ce que je disais a fait avancer le
débat donc j’étais contente.
L : moi le problème c’est que des fois j’aimerais expliquer mais je n’arrive
jamais à bien expliquer. Des fois les autres se perdent encore plus (rires). Du coup
je demande aux autres de réexpliquer à ma place.
C : au moins tu essayes. Ce n’est pas facile d’expliquer aux autres, c’est
sûr. On continue. Trouves-tu que cette affirmation soit vrai « on travaille
toujours mieux à plusieurs » ?
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L : ah non ! Moi je dirais plutôt « on n’est jamais mieux servi que par sois
même ».
C : Moi on m’a toujours dit « Etre courageux c’est bien… ». Non ce n’est pas
ça… Zut, je ne me souviens plus du début. Bon en tout cas la fin c’est « être
courageux c’est aussi savoir demander de l’aide quand on en a besoin ». C’est pour
ça qu’en travail de groupe je n’hésite pas à demander de l’aide aux autres.
E : moi on m’a toujours dit « on n’est jamais mieux servi que par sois même »,
comme disait Laurette, mais c’est vrai que quand on réfléchit, c’est bien aussi de
pouvoir se faire aider plutôt que de se débrouiller tout seul.
L : moi je ne trouve pas ça bien de demander de l’aide.
C : Pourquoi ? Comme a dit Charlène c’est bien d’être capable de faire
des choses tout seul mais ça peut être bien d’être capable de demander de
l’aide quand on n’en a besoin aussi. Tu ne penses pas ?
L : je ne sais pas. En tout cas moi je préfère ne pas y arriver toute seule dans
mon coin plutôt que de demander de l’aide…. Je ne trouve pas ça bien.
A : oui mais l’aide peut venir des deux sens, ce n’est pas forcément toi qui
réclame toujours.
L : moi je trouve que c’est la honte de demander de l’aide. Ça veut dire « tu
n’es pas capable de te débrouiller toute seule ».
C : cela vient aussi du fait que l’on vit dans une société très
individualiste, très centrée sur la personne. Le message qu’on nous envoie
constamment c’est « réussis ta vie sans l’aide de personne. Tu dois être fort
et capable de te débrouiller tout seul ». Or, dans les faits, on n’arrive pas à
grand-chose tout seul. Il faut savoir s’entraider et, comme la dit Charlène,
réclamer de l’aide quand on en a besoin. Même si ce n’est pas facile
d’accepter qu’on ait pas réussi seul.
C : oui. Moi quand même quand on est en petit groupe je trouve qu’on
comprend toujours mieux que quand on est en classe entière.
L : ça serait super si on pouvait avoir histoire-géographie comme en anglais,
en petit groupe de quinze. Ça serait possible ça madame ?
C : non malheureusement ça ne serait pas possible.
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L : dommage.
Trouves-tu que les « missions » qui sont proposées lors des travaux de
groupe sont intéressantes/motivantes ?
L : oui elles sont cool.
Réponse générale : oui.
L : des fois vous prenez des sujets pour nous donner envie on voit. Par
exemple quand les deux Ismaël ont vu qu’on travaillait sur Manchester ils étaient
trop contents parce qu’ils ont directement pensé à l’équipe de foot.
C : Préfères-tu les travaux de groupe qui ont été guidés par des
questions (soit à faire à l’écrit soit à faire à l’oral) ou ceux où tu devais te
débrouiller seulement avec les documents ? Pourquoi ?
L : avec les questions à faire à l’oral. Parce qu’on pouvait vraiment faire les
questions tous ensemble, on en discutait.
C : moi je préfère quand vous nous donnez les documents et les questions.
Sinon c’est trop compliqué et je suis incapable de savoir ce qu’il faut faire.
N : Quand c’est des questions écrites c ‘est mieux parce que ça nous fait un
support pour préparer l’oral.
L : tu prépares aussi quand tu fais les questions à l’oral.
C : Alors quel est l’avantage de le faire à l’oral selon toi Laurette ?
L : à l’oral chacun donne sa réponse. C’est deux fois mieux. On partage, on
en discute.
A : Moi je suis d’accord. Quand on a travaillé en groupe avec les gars et
Laurette au moins les gars pouvaient dire ce qu’ils pensaient et participer. A l’écrit
c’est souvent les mêmes qui font les réponses et les autres recopient.
L : c’est long en plus de répondre à chaque question, de rédiger. C’est de la
perte de temps alors qu ‘on pourrait faire un bon texte pour l’oral. Quand il y a des
questions on prépare le texte de l’oral dans la précipitation.
E : ça dépend. Il y a des personnes plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral. Certains
n’oseront pas prendre la parole. Moi je n’oserais pas trop.
92
C : quel serait selon toi le point positif des cours de travaux de groupe ?
Et le point négatif ?
L : ce qui est bien c’est qu’on apprend les choses autrement. Vous avez une
autre manière d’expliquer que les autres profs d’histoire. Vous expliquez mieux je
trouve personnellement. Point négatif que l’histoire ça reste dur, même en groupe.
Il y a trop de trucs à savoir (rires).
A : le point négatif c’est qu’on ne choisit pas les groupes. Au début de l’année
je n’avais pas été à l’aise dans mon premier groupe. Le point positif c’est qu’en
groupe on apprend mieux, on est plus efficace et c’est une ambiance plus détendue.
On peut travailler tout en rigolant, alors que tout seul c’est parfois ennuyant de
travailler.
N : Le point négatif c’est quand même que c’est plus bruyant qu’un cours
classique.
C : le bruit lors des travaux de groupe ça vous dérange pour travailler ?
Le reste du groupe : non.
C : moi je suis d’accord avec ce que Laurette et Aglaé on dit. Je trouve que
c’est plus simple de comprendre l’histoire avec vous parce que vous êtes plus jeune.
Vous comprenez mieux les personnes de notre âge. Un vieux, on ne va rien
comprendre, il va nous sortir des trucs incompréhensibles (rires). Vous vous allez
comprendre les jeunes.
L : comme le chapitre où on a étudié le clip d’Eminem. Ça les vieux ils ne font
pas.
A : ah oui c’était trop bien ça !
C : et vous pensez que c’est une question d’âge de bien savoir
expliquer des choses aux jeunes ?
Réponse générale : ah oui c’est sûr.
E : le point positif c’est que dans un groupe on peut se rendre utile. Le point
négatif c’est quand on doit travailler avec les personnes qui ne font rien et qu’on doit
tout faire tout seul. C’est quand même mieux d’être avec des personnes qu’on
connait bien.
93
C : oui mais pas toujours Emelyne. Par exemple, je suis certaine que si on
isole Ismaël Bacar des autres garçons et qu’on le met en groupe avec des filles qui
veulent travailler, il va se mettre à bosser.
A : oui c’est sûr même.
L : des fois il faut un peu décrocher les groupes d’amis.
A : si on le met avec Hugo et Mazigh il va bosser c’est sûr.
E : non non je ne pense pas. Il faudrait le mettre avec des filles.
L : Yaëlle et Loane par exemple.
E : oui là ça pourrait fonctionner.
C : oui mais pas qu’avec des filles, ça va le bloquer.
C : ce n’est pas facile de créer des groupes (rires)
L : c’est un casse-tête chinois madame.
C : vous avez un avis parfois un peu contradictoire… Au départ vous
me disiez que vous n’étiez pas efficace en groupe et qu’il ne fallait être
qu’avec des amis, des gens avec qui on s’entendait bien et vous vouliez
choisir les groupes. Maintenant vous trouvez que ça permet de mieux
comprendre le cours et qu’il faut séparer les groupes d’amis pour être plus
efficace.
N : moi je pense qu’il faut mélanger, changer, faire un peu des deux.
C : et pour vous un bon groupe c’est un groupe dans lequel les élèves
ont des niveaux différents ou un groupe dans lequel tous les élèves ont un
niveau à peu près équivalent ?
L : un peu tous le même niveau.
E : ah non, des niveaux différents.
C : ça dépend. La dernière fois mon groupe c’était Marie, Alexis [élèves très
compétents, au très bon niveau scolaire], Charly et moi [élèves plus en difficulté
mais travailleurs]. On pensait vraiment qu’on allait être un bon groupe et qu’on allait
bien bosser et au final pas du tout. Charly et moi on était paumés. Alexis préférait
avancer tous seul. Marie essayait de poser des questions mais personnes ne
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répondaient… On s’entend bien donc on pensait vraiment que ça allait fonctionner
et en fait on a été un groupe tout pourri.
L : Alexis c’est vraiment un solitaire celui-là ! incapable de travailler avec les
autres.
C : non vous n’étiez pas un groupe « tout pourri » mais effectivement
vous avez eu du mal à travailler ensemble. Parfois les choses ne fonctionnent
pas. C’est pour ça que les groupes changent à chaque fois.
L : mais madame, comment vous faites pour créer les groupes ? Vous faites
des petits tests au hasard ?
A : mais non, grâce aux petits papiers que l’on remplit à la fin des travaux de
groupe.
C ; j’essaye en effet de prendre en compte votre avis grâce aux petites
fiches que je vous distribue. J’essaye de ne pas constituer des groupes qui
vous mettrait en difficulté.
C : Emelyne et moi ça a fonctionné madame, j’ai bien compris ce qu’elle
m’expliquait.
C : oui j’ai vu que ça avait fonctionné. Les autres critères c’est aussi de
mélanger les filles et les garçons…
L : oui c’est bien ça madame parce que sinon il y aurait que des groupes de
filles d’un côté et des groupes de garçons de l’autre côté.
C : Le dernier critère c’est de mélanger les niveaux. Je mets des élèves
qui ont des facilités en histoire-géographie avec des élèves qui peuvent
rencontrer des difficultés. Pourquoi je fais ça à votre avis ?
C : celui qui est intelligent il va pouvoir expliquer à celui qui ne comprend pas.
C : je n’ai pas dit « celui qui est intelligent », j’ai dit « celui qui a plus de
facilités en histoire-géographie ».
C : oui, celui qui a plus de facilités, c’est la même chose.
C : pas tout à fait…
95
C : ouais… En gros l’idée c’est que celui qui a des difficultés il essaye tout
seul et après s’il n’a pas compris, il demande au plus intelligent de lui expliquer « ça,
ça ou ça ». C’est comme ça qu’on a fait avec Emelyne.
E : moi je suis d’accord avec Charlène mais je ne pense pas qu’il y ait de
« plus » ou de « moins » intelligent.
L : oui, on a tous le même cerveau.
A : moi j’étais avec Laurette et les deux Ismaël. Moi j’ai tout compris assez
rapidement, je pense qu’on avait une des missions les plus faciles, et je les ai laissé
faire et après je leur expliquait quand je voyais qu’ils ne comprenaient pas à certains
endroits. On a mis en commun, ils me donnaient les grandes idées et moi je
reformulais pour faire le texte de l’oral.
C : J’accélère un peu car on a beaucoup parlé… Je vais passer aux
questions sur les restitutions orales des travaux de groupe.
A : Ah ouais trop bien, j’aime bien ces cours-là.
C : Apprécies-tu les cours lors desquels les autres groupes présentent
leur travail à l’oral ?
Réponse collective : oui, oui, oui. C’est bien.
C : je n’ai pas compris la question…
A : est-ce que tu aimes bien les cours où chaque groupe passe à l’oral pour
parler du sujet qu’ils ont travaillé en groupe. Et quand toi tu passes à l’oral.
C : ah d’accord. Oui j’aime bien parce que c’est intéressant d’expliquer aux
autres. Et la classe écoute bien et pose des questions.
C : et quand vous devez écouter les oraux des autres groupes ?
A : ça dépend, des fois ça peut être ennuyant si l’oral du groupe n’est pas
terrible. Ça dépend des groupes.
L : ça se sent quand c’est des gens qui n’ont rien fait pendant le travail de
groupe.
C : moi je pense que ça serait mieux si on avait les documents du groupe qui
passe sous les yeux.
L et A : oui, bonne idée ! ça serait mieux.
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C : on regarde déjà un peu ensemble tous les documents et ensuite le groupe
présente son travail. Comme ça on est plus dedans, on comprend mieux.
C : d’accord, je note, c’est une bonne idée.
C : Préfères-tu les cours où tu travailles en groupe ou les cours où se
déroulent les restitutions orales ? Pourquoi ?
A et L : quand on travaille en groupe.
E : les restitutions orales.
C : moi j’apprécie beaucoup présenter à l’oral mon travail. Par contre je ne
comprends pas toujours ce que les autres présentent à l’oral.
C : les autres, vous êtes d’accord ? vous avez souvent des difficultés à
comprendre les oraux des autres ?
L : oui, parfois c’est brouillon, on ne comprend pas toujours bien ce qu’ils
veulent dire.
C : Alors, est-ce que vous trouvez ça utile d’écouter les oraux des
autres ?
L : oui bien sûr, c’est utile. Ils ont travaillé sur quelque chose de précis donc
ils en savent plus que nous, ils ont des choses à nous apprendre.
C : Je fais en sorte de reprendre derrière le groupe, de réexpliquer des
choses qui n’ont pas été claires ou de poser des questions à la classe. Après
ce temps d’échange entre le groupe, le reste de la classe et moi, vous avez
l’impression de mieux comprendre ? Ou parfois vous relisez votre cours
avant le devoir en vous disant « mince, cette partie du cours m’a vraiment
échappé » ?
97
C : Pour toi, à quoi doit ressembler la trace écrite du cours ? on en a
testé plusieurs depuis le début de l’année, qu’est-ce que vous préférez ?
L : j’ai bien aimé ce qu’on a fait pour le chapitre sur les espaces maritimes.
C : la prise de note ? Quand on note seulement les idées principales ?
L : oui.
A : j’aime bien les schémas moi aussi
C : Merci pour votre participation
98
4ème de couverture
5 Mots clés : institutionnalisation – savoirs – interactions – travail de groupe –
démarche socio-constructiviste
Résumé en Français :
Le concept d’institutionnalisation invite à réfléchir à une étape charnière, celle
du passage du temps de la mise en activité des élèves au temps de construction du
cours commun formalisé. La phase d’institutionnalisation vise un triple objectif, celui
de valider, décontextualiser et dépersonnaliser les connaissances produites par les
élèves lors d’une mise en activité. L’enjeu principal de cette recherche est de
déterminer si, dans un contexte de travail de groupe différencié, un processus
d’institutionnalisation en deux étapes – restitution orales des travaux de groupe puis
interactions avec la classe - permettait à l’ensemble des élèves de s’investir dans
le processus d’acquisition des savoirs. Les données ont été construites à partir
d’observation de temps d’institutionnalisation dans deux classes de 4 ème différentes.
Il en ressort que l’engagement des élèves dans la tâche d’institutionnalisation
permet de rendre cette dernière plus efficiente.
Résumé en Anglais :
The concept of devolution invites us to think about a pivotal step, that of the
passage of time from the activity of pupils to the time of construction of the
formalized common course. The institutionalization phase aims at a triple objective,
that of validating, decontextualizing and depersonalizing the knowledge produced
by the students during a task. The main challenge of this research is to determine
whether, in a context of differentiated group work, a process of devolution in two
stages - oral restitution of the group work then interactions with the class - allowed
all students to invest in the process of acquiring knowledge. The data were
constructed from observation of devolution time in two different 4th grade classes.
It shows that the commitment of students to the task of devolution makes it more
efficient.
100
Maliksyukri
RépondreSupprimerMaliksyukri (GOOgl
RépondreSupprimerMunna
SupprimerPadang Jawa
RépondreSupprimer425dtcc
RépondreSupprimerMunna
RépondreSupprimer